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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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à
l’intérieur du collège. Alors que je refermais le portail, j’entendis la voix
étouffée d’une femme dans la loge de Cobbett.
    Après avoir toqué à la porte, j’entrai lentement et
découvris Sophia dans ses plus beaux atours, accroupie, la tête de la chienne
posée sur les genoux. En m’entendant arriver, elle leva la tête et me sourit
poliment, comme à une vague connaissance, avant de continuer à flatter
l’animal. Un grognement de plaisir émanait de la gorge de Bess, qui enfonçait
son museau dans les jupes de Sophia. Oh, être un chien, pensai-je, pour
me le reprocher immédiatement.
    « Bonjour, docteur Bruno, m’accueillit Cobbett,
affable, de sa position d’autorité derrière son comptoir. Vous avez l’air
pressé aujourd’hui.
    — Oh… Non, je… Bonjour, mademoiselle Underhill »,
bégayai-je en la saluant d’un hochement de tête.
    Sophia releva à peine le nez mais je m’aperçus qu’elle était
préoccupée.
    « Docteur Bruno, me salua-t-elle. Je crois que la
pauvre Bess devient aveugle, Cobbett. »
    Elle devait avoir honte de ce qui était arrivé entre nous la
veille.
    « Oui, elle en a plus pour longtemps ici-bas, concéda
Cobbett, qui semblait s’être fait depuis longtemps à l’idée. Sophia adore c’te
chienne », précisa-t-il à mon intention.
    Je haussai les sourcils, surpris par la familiarité avec
laquelle lui, le gardien, parlait de la fille du recteur en sa présence. Sophia
remarqua mon étonnement et éclata de rire.
    « Vous êtes choqué que Cobbett ne m’appelle pas
mademoiselle, docteur Bruno ? Quand je suis arrivée à Lincoln, j’avais
treize ans et mon frère quatorze. Il n’y avait personne de notre âge et les
professeurs du collège n’étaient pas habitués à avoir des enfants dans les
parages. Ils nous faisaient comprendre qu’ils n’appréciaient pas
particulièrement notre présence. Cobbett et sa femme étaient les seuls à être
gentils avec nous. Nous passions la moitié de notre temps ici à causer et à
jouer avec Bess, n’est-ce pas, Cobbett ?
    — Exact. Y m’empêchaient de travailler, grommela le
gardien, dont l’affection pour la jeune femme était évidente.
    — Je ne savais pas que vous aviez une femme, Cobbett,
dis-je.
    — Plus maintenant, messire. Le bon Dieu a jugé bon de
l’emporter y a cinq ans de ça. Elle était lavandière ici au collège pendant des
années, et une sacrément bonne lavandière encore. C’est la vie. Et bientôt, ma
vieille Bess partira elle aussi. »
    Il se tourna vers la fenêtre pour cacher son émotion.
    « Ne dites pas ça, Cobbett, elle va vous entendre, le
gronda Sophia en couvrant les oreilles de la chienne.
    — Vous êtes habillée très élégamment, mademoiselle
Underhill », remarquai-je.
    Elle fit une grimace.
    « Ma mère s’est rétablie et elle juge que son état est
assez bon pour rendre visite à une amie. Nous allons donc chez une de ses
connaissances dont la fille, de deux ans plus jeune que moi, s’est récemment
fiancée. Nous parlerons sans doute de luths et de pucelles pendant que nos
mères vanteront les vertus du mariage. C’est un succès dont il faut se réjouir.
Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai du mal à contenir ma joie. »
    Elle avait dit cela d’une voix blanche, sans rendre le
sarcasme apparent, et Cobbett se méprit du tout au tout.
    « Sophia, n’soyez pas trop dure avec vous-même. Vous
savez qu’vous pourriez avoir n’importe quel mari qu’vous voudriez. Suffirait
qu’vous vous décidiez. »
    Il avait cru la rassurer, mais je vis l’ombre qui passa sur
son visage, comme si ses paroles ravivaient quelque douleur secrète.
    Toutefois, je n’eus pas le temps d’y réfléchir davantage car
au même moment se firent entendre des bruits de pas sur les pavés de la cour.
La porte de la loge s’ouvrit avec une telle violence qu’elle alla percuter le
mur et vibra longuement, au point qu’elle parut prête à se disloquer. Sur le
seuil se tenait Walter Slythurst, tremblant comme une feuille, livide et les
yeux écarquillés. Il donnait l’impression qu’on venait de lui planter un
couteau dans le dos. Débraillé et complètement trempé, son gros manteau et ses
bottes couverts de boue. Je me rappelai qu’il avait passé la nuit dehors et me
demandai s’il n’avait pas été attaqué sur la route.
    « Allez… » Ses mots s’étranglèrent dans sa gorge.
L’effort qu’il déployait pour parler faisait ressortir

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