Le prix de l'hérésie
les veines de son cou
sur sa peau blême. « Allez chercher le recteur. La salle forte… Il faut
qu’il voie… cette horreur. » Soudain, il se plia en deux et vomit sur le
sol en s’agrippant d’une main au mur pour ne pas tomber.
Cobbett et moi échangeâmes un regard, puis le vieux gardien
se hissa lentement de son fauteuil. Il était évident qu’il ne pouvait faire
face à l’urgence de la situation.
« Je vais chercher le recteur, proposai-je, mais que
dois-je lui expliquer ? »
Slythurst secoua la tête comme un forcené, les lèvres
closes, craignant que son estomac ne se soulève à nouveau. Il désigna Sophia du
menton.
« Un crime monstrueux… Je ne peux pas parler devant une
dame. Le recteur Underhill doit voir… » Il s’interrompit encore, haletant,
les jambes flageolantes, et des frissons le secouèrent de part en part, comme
si nous étions au cœur de l’hiver. J’avais déjà vu des gens en proie au
contrecoup d’un choc sévère et je savais qu’il fallait le calmer.
« Asseyez-le et donnez-lui quelque chose de fort à
boire ! lançai-je à Cobbett. Je m’occupe du recteur.
— Je peux y aller si vous voulez, il travaille dans son
cabinet d’étude ce matin », proposa Sophia.
Et comme elle se levait, elle porta la main à son front,
chancelante. Je l’attrapai par le bras et elle s’accrocha à mon épaule un
instant avant de retirer sa main. Nous échangeâmes un bref regard et je lus sur
son visage qu’elle aussi pensait à notre moment d’intimité, la veille au soir.
Elle s’appuya contre le mur, presque aussi blême que Slythurst. Une odeur
pestilentielle s’élevait dans la petite pièce. Sophia essaya d’atteindre la
porte mais eut à peine le temps de l’ouvrir avant de se plier en deux à son
tour et de vomir sur le seuil.
Cobbett leva les yeux au ciel, avec l’air d’en avoir vu
d’autres.
« Allez-vous imiter cet exemple, docteur Bruno, avant
que j’aille chercher un seau d’eau ? » demanda-t-il avec méfiance.
À vrai dire, je sentais moi aussi mon estomac se révolter à
cause de la puanteur et je fus heureux de sortir.
« Ne bougez pas. Je reviens avec le recteur dans un
instant.
— Personne ne doit s’approcher de la tour »,
prévint Slythurst d’une voix rauque.
Ses tremblements commençaient à diminuer. Cobbett avait
sorti de la bière et il en versait une bonne mesure au trésorier dans l’un de
ses gobelets en bois.
Je tambourinai avec un tel acharnement contre la porte du
recteur qu’Adam, le vieux domestique, vint m’ouvrir en courant. En me
reconnaissant, il arbora un sourire hypocrite qui ne cachait rien du dégoût que
lui inspirait ma personne.
« Encore vous, docteur Bruno ?
— Je dois voir le recteur de toute urgence,
l’informai-je en ignorant son insolence.
— Le recteur Underhill ne peut pas vous recevoir ce
matin, il est extrêmement occupé. Et les dames ne sont pas là, ajouta-t-il avec
une emphase suggérant que mes intentions n’étaient pas un mystère pour lui.
— Vous n’avez pas entendu ce que j’ai dit ? C’est
une affaire pressante. J’irai le chercher moi-même si vous m’y obligez. »
Je le poussai de l’épaule et m’introduisis dans la salle à
manger avant d’aller frapper à la porte du cabinet d’étude.
« Que signifie ce tintamarre ? s’emporta le
recteur en ouvrant à la volée. Docteur Bruno ?
— Il a forcé le passage, messire, geignit Adam en
accompagnant sa complainte de moulinets inutiles.
— Venez immédiatement, dis-je au recteur. Maître
Slythurst a découvert quelque chose dans la salle forte. Il a parlé d’un crime
monstrueux. Il était trop affecté par ce qu’il a vu, on m’a envoyé vous
chercher en urgence. »
L’inquiétude envahit le regard du recteur et ses joues se
mirent à trembler.
« Un voleur, vous voulez dire ?
— Je ne crois pas, répondis-je en gardant mon calme autant
que possible. En général, un adulte ne rend pas son petit déjeuner à cause d’un
voleur. Pour être si violemment secoué, je pense que Slythurst a dû voir
quelque chose de plus… dérangeant. »
Le recteur me fixa.
« Pas un autre…
— Je vous en prie, recteur, venez et nous le
saurons. »
Underhill hocha la tête sans un mot et me fit signe de
passer devant.
Quand nous arrivâmes en bas, Slythurst nous attendait déjà.
Il avait repris un peu de couleurs mais n’était pas encore tout à fait remis.
« Armez-vous de
Weitere Kostenlose Bücher