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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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aurait
suffisamment de cran pour se servir du couteau contre moi au cas où je
tenterais de m’évader, mais je penchai pour l’affirmative : la crainte que
Jenkes lui inspirait supplanterait sa compassion spontanée pour moi.
    Une soudaine bourrasque agita les contrevents. Humphrey
tourna la tête en sursautant, puis il rit d’un air penaud de sa propre
nervosité. Je l’implorai du regard dans l’espoir de susciter sa mansuétude
avant le retour de Jenkes, mais je me faisais peu d’illusions. Humphrey savait
mieux que quiconque ce que Jenkes faisait à ceux qui mettaient sa cause en
péril.
    À cause de la position peu naturelle de mes bras, mes
épaules commençaient à me faire mal. J’essayais de bouger les poignets mais la
cordelette était trop serrée pour que je me libère, et je ne réussissais qu’à
m’entailler la peau. Je repensai aux hommes que j’avais reconnus à la messe. Il
y avait Richard Godwyn, qui distribuait les livres clandestins de Jenkes, et
Adam, le domestique du recteur Underhill au regard venimeux ; tous deux étaient
associés à la fois à La Roue de Catherine et à Lincoln College, et
avaient en conséquence de bonnes raisons de réduire au silence des professeurs
qu’ils côtoyaient, ne serait-ce que pour se protéger. Adam en particulier,
comme je m’en étais fait la remarque plus tôt, avait l’occasion de subtiliser
les clés rangées dans les appartements du recteur. Mais s’ils venaient
fidèlement assister à la messe ici, je ne voyais pas ce qui les aurait poussés
à attirer l’attention sur leur groupe. Je fermai les yeux et m’adossai au mur.
Il fallait que je me concentre pour trouver un moyen de m’échapper :
toutes mes hypothèses ne serviraient à rien si avant l’aube ils m’égorgeaient
au fond d’une allée. J’avais beau repousser cette pensée, la peur s’ancrait en moi
à mesure que je prenais conscience de la réalité de ma situation. J’avais déjà
craint pour ma vie, mais jamais je ne m’étais senti aussi impuissant à la
défendre.
    Je tendis le cou pour essayer de détendre ma mâchoire
endolorie. Ce geste raviva la douleur de l’estafilade sur mon cou et je bloquai
ma respiration. Un morceau de foulard descendit alors dans ma gorge. Étouffant
à moitié, je secouai la tête d’un côté et de l’autre pour tenter de le déloger,
émettant de petits couinements étranglés alors que je sentais mes yeux
s’arrondir follement. Il fallut que je m’écroule sur le flanc en me
contorsionnant comme un possédé avant que Humphrey prenne conscience de ce qui
se passait et se précipite à mes côtés pour me retirer le bâillon. Quand enfin
il l’eut extrait, je m’effondrai contre son épaule, pantelant, les larmes aux
yeux.
    « Je ne vous le remets pas pour le moment, docteur
Bruno, mais vous n’avez pas intérêt à crier sinon je serai obligé de vous
frapper », m’avertit Humphrey avec l’air de s’excuser.
    Il me cala contre le mur, telle une poupée, et continua à me
surveiller.
    « A-t-il vraiment l’intention de me tuer ? »
demandai-je d’une voix rauque quand je fus en état de parler.
    Cette question le déstabilisa. Partagé entre son devoir et
la compassion, il fit une grimace équivoque.
    « Il dit que vous allez nous envoyer le comte de
Leicester et tous les soldats de la reine sur le dos, marmonna-t-il. Et qu’on
nous emmènera à la Tour pour nous torturer, y compris les femmes. Même la veuve
Kenney, et je ne peux pas vous laisser faire ça.
    — Vous aimez bien la veuve Kenney, hein ? »
demandai-je doucement.
    Humphrey acquiesça avec emphase.
    « C’est elle qui m’a recueilli quand je suis arrivé à
Oxford, m’expliqua-t-il d’une voix mélodieuse. Il y a six ans. Je n’avais pas
un sou. Maintenant j’ai une maison et un bon travail, et c’est comme si j’avais
une famille.
    — Je suis sûr que vous comptez beaucoup pour elle.
Votre propre famille était-elle catholique ? »
    Fidèle à lui-même, il fit de grands signes de dénégation,
les lèvres serrées.
    « La veuve Kenney et maître Jenkes m’ont appris tout ce
que je sais de la vraie foi. Grâce à eux, je sais que nous devons nous battre
pour la protéger des hérétiques.
    — Vous avez parlé des femmes, dis-je après quelques
secondes de silence. Y en a-t-il beaucoup qui viennent aux messes ? »
    Une fois de plus, il hésita.
    « Allons, Humphrey, insistai-je, je serai mort dans
quelques heures, quel mal

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