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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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votre conversation avec Thomas Allen. »
    Humphrey me plaqua au sol avec une délicatesse surprenante
pour permettre à Bernard de m’attacher les chevilles.
    « Vous me tueriez pour vous protéger ? demandai-je
en me débattant.
    — Pour protéger notre foi, Bruno, me répondit-il
d’une voix pleine de reproche. Je n’agis que pour protéger et préserver notre
foi persécutée, je ne commets donc pas de péché aux yeux de Dieu.
    — Et que faites-vous du sixième commandement ?
suffoquai-je. “Tu ne tueras point” ?
    — Je commence par les deux premiers commandements. “Tu
n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d’image
taillée.” »
    Il approcha son visage du mien, de sorte que je pouvais
presque distinguer les points noirs sur son nez.
    « Ce pays, mon pays, Bruno, car je suis né
anglais et je le reste, mon pays idolâtre a enfreint ces commandements. La
fille hérétique d’Anne Boleyn se pose en rivale du Saint-Père lui-même et les
âmes de ses sujets sont en péril. Combattre une telle hérésie relève de la
guerre sainte, pas de l’assassinat. Mais pour vous montrer que je ne suis pas
un barbare, Bruno, le père Bernard entendra votre confession avant que vous
mouriez, si vous souhaitez vous réconcilier avec notre sainte mère l’Église.
    — Je ne me confesserai pas à vous », répliquai-je.
    Jenkes ne sembla pas s’en offusquer.
    « Peu importe, maintenant c’est entre votre conscience
et votre Dieu », dit-il en ôtant le foulard qu’il portait au cou.
    Puis il me pinça le nez pour m’obliger à ouvrir la bouche,
et je l’eus à peine entrouverte qu’il y fourra sans ménagement le tissu en
forçant sur ma mâchoire. Je suffoquai en silence, incapable de proférer le
moindre son, et pris de panique à l’idée de mourir par asphyxie, je me débattis
violemment. Mais pour finir, il me lâcha le nez en me regardant avec dégoût.
    « Vous feriez mieux d’aller vous occuper de sa chambre
au collège », lança-t-il à Bernard, qui acquiesça sans mot dire.
    Jenkes fouilla derechef mon pourpoint et trouva la clé
attachée à ma ceinture. Il l’arracha avant de la donner à Bernard. C’était une
bien maigre consolation en ces circonstances, mais j’avais toujours la copie du
code de l’almanach de Mercer sous ma chemise, et il n’y avait rien dans ma
chambre à Lincoln qui pût me relier à Walsingham. Je me maudissais de n’avoir
pas eu la présence d’esprit de prévenir Sidney de mes intentions. Seul Cobbett
savait que j’étais sorti, mais il ne saurait pas où me chercher, ni même que
j’étais en danger, et on me retrouverait bientôt mort dans une allée à
l’arrière d’un bordel. Je frissonnai. Ma mâchoire me faisait de plus en plus
souffrir et je devais lutter pour avaler ma salive sans m’étouffer avec le foulard.
    Jenkes m’examina une dernière fois, vérifia mes liens puis
fit signe à Bernard de le suivre.
    « Nous nous reverrons bientôt, Bruno. Réfléchissez bien
à ce que vous allez me raconter. Mon visage ressemblera à celui d’un ange
comparé au vôtre si vous me forcez à vous arracher la vérité. J’espère que ce
ne sera pas nécessaire. » Bernard me regardait d’un air toujours aussi
impassible, mais je lus néanmoins un peu de regret sur son visage. Il rabattit
alors sa capuche et sortit, me laissant seul avec Humphrey Pritchard.

 
CHAPITRE 17
    Un silence tendu régnait dans la pièce. De quelque part en
bas nous parvint le bruit d’une porte qui claquait. Les chandelles sur l’autel
étaient près de la fin, elles produisaient des volutes de fumée noire et leurs
flammes vacillantes projetaient l’ombre démesurée et menaçante de Humphrey
contre le mur. Celui-ci n’esquissait pas un geste pour remplacer les bougies.
En fait, ses nouvelles responsabilités semblaient le mettre mal à l’aise et il
s’assit pesamment dos au mur, près de la fenêtre. Il se mit à attendre en
m’épiant sous ses sourcils froncés avec un mélange d’inquiétude et de mauvaise
conscience. Les seuls sons étaient ceux de ma respiration saccadée, résultat de
ma gêne et de mon affolement. Je m’avisai que Humphrey portait un couteau à la
ceinture. Ses doigts ne cessaient d’y revenir mais j’étais certain qu’en dépit
de sa grande taille et de sa stature, c’était un garçon d’une nature douce qui
n’acceptait qu’avec réticence ce rôle de gardien. Je me demandai s’il

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