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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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immédiatement reconnu ces mots. C’était
peut-être le texte qu’il était le plus risqué de posséder pour un
Anglais : une copie de la bulle pontificale du pape Pie V, rédigée
treize ans plus tôt, dans laquelle il déclarait hérétique et excommuniait la
reine Elisabeth d’Angleterre. Elle se concluait par l’interdiction faite aux
sujets de la reine de la reconnaître pour monarque et de lui obéir :
Pie V appelait à rien de moins qu’à la renverser. C’était en raison de
cette bulle que les catholiques les plus extrêmes, disséminés dans des
séminaires à travers tout le continent, se croyaient autorisés à assassiner la
reine, au nom de Dieu. Le simple fait d’en faire entrer une copie dans ce pays
était considéré comme de la haute trahison et celui qui s’y risquait encourait
la peine de mort. Je me figeai soudain en entendant quelqu’un marcher près de
la fenêtre. M’étais-je jeté tout droit dans un autre piège ? Celui qui
avait passé la pièce au peigne fin cherchait à l’évidence ces papiers, comme il
les avait cherchés dans la chambre de Mercer, mais il n’avait pas trouvé le
compartiment secret du coffre. Et s’il surveillait encore la chambre, il avait
vu ma bougie. Retenant ma respiration, je perçus de nouveau un bruit distinct
dehors, puis un cri suraigu, presque surnaturel, et encore un autre. Cela
ressemblait au hurlement d’un enfant en proie à une douleur atroce. Je me
laissai aller sur le sol, tremblant et riant de mes nerfs à fleur de
peau : ce n’était que deux renards se battant dans la ruelle.
    Mais ce vacarme impromptu m’avait ramené à la réalité et
rappelé que je n’avais pas de temps à perdre. J’enroulai le paquet de lettres
dans l’un des linges du coffre et trouvai aussi une cape de voyage que je nouai
rapidement autour de mes épaules, ayant laissé la mienne à La Roue de
Catherine. En cherchant à tâtons sur le bureau couvert de détritus de
Norris, je mis également la main sur un encrier et griffonnai à la hâte un mot
à l’intention de Sidney, dans lequel je lui expliquais comment j’avais
découvert ces documents et où je me rendais. Quand j’en eus terminé, je sortis
de sous ma chemise le bout de papier sur lequel était écrite la copie de la
combinaison tirée de l’almanach de Mercer ; je le pliai à l’intérieur de
mon message et cachetai le tout de mon mieux avec la cire trouvée dans le
tiroir, même si je n’avais pas de sceau. Ensuite, prenant le paquet sous le
bras, je soufflai la bougie déjà presque éteinte et tirai le loquet pour
m’apercevoir que la porte était verrouillée. Cela signifiait que celui qui
m’avait précédé là en l’absence de Norris et de Thomas avait sa propre clé, à
moins qu’il ne fût entré en empruntant le même chemin que moi. J’allai en
maugréant à la fenêtre donnant sur la cour, qui me résista un moment. J’eus
d’ailleurs toutes les peines du monde à sortir : ma main brûlée me gênait,
ainsi que le paquet que je serrais contre moi, et en enjambant le rebord ma
cape se coinça dans la poignée, si bien que je tombai sur le flanc en étouffant
un cri.
    Je restai étendu sur les pavés un moment, les yeux levés
vers le ciel de marbre qui se teintait doucement de bleu au-delà des nuages
étirés, espérant que personne n’avait remarqué ma présence. La nuit se
terminerait bientôt, il fallait que j’en finisse avec cette affaire et que je
quitte la ville avant l’aube. Il faisait trop noir pour distinguer les
aiguilles de l’horloge, la cour était encore plongée dans les ténèbres qui
précèdent le point du jour. Rien ne bougeait. Quelque part au loin, un renard
glapit. J’étais sur le point de me relever lorsque j’aperçus une lanterne. Un
homme dissimulé sous une capuche s’approchait de moi à grands pas depuis le
bâtiment d’en face et, arrivé à ma hauteur, il pencha sa lanterne devant mon
visage.
    « Tiens, tiens, le docteur Bruno… Vous faites comme
chez vous, encore une fois ? Ça devient une habitude. Je me demande quelle
sera votre explication, aujourd’hui. J’ai hâte de la connaître. »
    Je ne pouvais pas voir le visage de maître Slythurst, mais
le ton glacial de sa voix me laissait sans peine imaginer le sourire mauvais
qu’il devait arborer.

 
CHAPITRE 18
    Slythurst me releva en me tirant sans ménagement par la
manche mais je me dégageai vivement, soucieux de protéger le paquet, de peur
qu’il

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