Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
joues. Vous ne savez pas qu’il ne sort que des
mensonges de sa bouche ?
    — Personne ne m’a rien dit, mentis-je afin de protéger
Cobbett. Je suis peut-être un ancien moine mais j’ai grandi dans un petit
village. Je sais reconnaître ces choses-là. »
    Sophia se tut et pressa la main sur sa bouche tandis que
Thomas affichait un petit sourire. Jerome réfléchit un instant, les sourcils
froncés.
    « Vous devez comprendre mieux que quiconque, Bruno,
finit-il par déclarer avec gravité, qu’un homme peut se sentir pris au piège
par les restrictions de son ordre. Oui, j’ai péché, mais je ne commettrai pas
un péché encore plus grand pour le cacher. Sophia va à Rouen, où on veillera
sur elle jusqu’à ce que je puisse la rejoindre. »
    En parlant, il avait cherché des yeux Sophia, qui le
regardait avec reconnaissance, mais quelque chose d’évasif dans son attitude me
laissait penser qu’il mentait pour elle.
    « Je sais aussi par expérience, mon père, que les
ordres religieux ne laissent pas les leurs partir si facilement. En particulier
les jésuites.
    — Excellent, Bruno, vous maîtrisez votre sujet,
railla-t-il. Oui, j’ai été ordonné jésuite à Rome et j’ai rejoint la mission
anglaise par l’intermédiaire du séminaire de Reims. Le père de Thomas m’a
envoyé ici, à Oxford. Son rôle était de coordonner l’arrivée de prêtres dans
l’Oxfordshire, de leur trouver un logement, d’arranger leur séjour et leur
fournir une couverture pour leurs activités. Un rôle que Roger Mercer a repris
après l’exil d’Edmund. Mais vous savez déjà tout cela, je présume.
    — Je n’ai commencé à comprendre les liens que
récemment, admis-je. Votre déguisement était très bon.
    — Votre déguisement… répéta Thomas avec mépris.
Ça n’avait rien d’un déguisement. Il n’a fait qu’être fidèle à ce qu’il est,
l’héritier d’une riche famille habitué à ce qu’on accède à tous ses désirs.
Pour lui, rejoindre les jésuites n’était qu’un moyen de courir l’aventure. Son déguisement, comme vous dites, lui était si naturel qu’il n’a pas eu beaucoup de
difficultés à oublier sa mission. »
    Thomas fit un signe du menton pour désigner Sophia. Jerome
eut au moins la grâce de paraître honteux.
    « Et à céder à la tentation », ajoutai-je.
    Tout à coup, je me souvins du livre d’heures que le recteur
avait trouvé cousu dans le matelas, avec sa dédicace suggestive et intime,
« J. » : non pas Jenkes, mais Jerome. Ainsi donc c’était aussi
le prêtre que Roger Mercer attendait dans le jardin le samedi matin, quand la
mort était venue le chercher.
    « Mais Roger Mercer l’a découvert, dis-je en réalisant
soudain que je me trouvais à quelques mètres de l’assassin. Et moi qui pensais
qu’on l’avait tué à cause des lettres ! »
    Les yeux de Jerome s’arrondirent de surprise et il avança
vers moi, le sourire en berne.
    « Comment savez-vous pour les lettres ?
demanda-t-il, l’air sincèrement ébranlé pour la première fois depuis notre
arrivée.
    — Parce que je les ai vues.
    — Où ?
    — Dans le coffre de votre chambre. Là où vous les avez
cachées.
    — Dans ma… »
    Il se retourna en un éclair et fouilla Thomas du regard.
    « Mais tu m’as dit…
    — Roger Mercer les a surpris dans le jardin un
soir », l’interrompit Thomas, une pointe de rancune dans la voix.
    Je remarquai que sa main droite était glissée sous sa cape.
    « Sophia avait l’habitude d’en emprunter la clé dans le
bureau de son père le soir. Mercer était atterré, comme vous l’imaginez. Il
s’est présenté à notre chambre le lendemain et a laissé éclater sa colère. Il a
rappelé au père Jerome combien de catholiques à Oxford risquaient leur vie pour
lui, et il lui a dit qu’il n’accepterait plus de recevoir le sacrement d’un
prêtre vivant dans le péché, tout comme il ne pouvait se résigner à laisser les
autres dans l’ignorance. Il a expliqué qu’il n’avait pas d’autre choix que de
rapporter ce qu’il savait à son ordre.
    — J’ai entendu dire que les jésuites sont sans pitié
pour ceux qui faillissent à leur mission, dis-je en reculant d’un pas, mais
Jerome ne s’intéressait pour l’heure qu’à Thomas. Ils sont aussi disposés à
tuer pour leur foi qu’à mourir pour elle. Comme vous nous l’avez démontré,
d’ailleurs.
    — Comme moi, je l’ai démontré ? »
    Jerome

Weitere Kostenlose Bücher