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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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du roi
Henri, et mes réflexes s’étaient amoindris, faute de pratique. L’eau coulait
sans discontinuer sur mon cou et dans mes yeux et, quand nous arrivâmes au
sommet de Shotover Hill, qui d’après Sidney aurait dû nous offrir une superbe
vue sur la ville d’Oxford, la pluie battante nous priva de ce spectacle.
    Nous descendîmes vers le pont qui enjambait la rivière près
de Magdalen College et découvrîmes qu’une petite foule y était rassemblée.
Comme nous nous approchions, Sidney annonça que c’était une délégation de
dignitaires et d’administrateurs de l’université venus nous saluer. Un messager
était parti de Windsor le matin même pour notifier à ceux qui préparaient la
venue du palatin que finalement nous n’arriverions pas par la rivière, mais la
route était si boueuse que nous avions avancé lentement, et il semblait que le
pauvre détachement chargé de nous accueillir nous avait attendus un bon moment
sous la pluie, à voir leurs capes de velours et les manches de leurs costumes
noir et rouge gorgées d’eau.
    Le vice-chancelier se présenta et s’inclina avant de baiser
la main couverte de bagues du palatin, puis celle de Sidney. Je vis ses yeux
s’agrandir en découvrant notre allure débraillée, mais il eut la grâce de ne
pas faire de remarque. Il leur expliqua qu’ils seraient accueillis à Christ
Church College, le plus important de tous les collèges d’Oxford, dont la reine
s’occupait personnellement : Sidney en avait été l’élève, il était donc
naturel qu’il y retourne. Quant à moi, je serais logé à part. À cet instant, un
homme au crâne dégarni et au visage rond s’avança pour me tendre la main à la
manière anglaise tout en essayant stoïquement d’ignorer l’eau qui gouttait du
bord de son chapeau.
    « Docteur Bruno. Je suis John Underhill, recteur de
Lincoln College. Soyez le bienvenu à Oxford. J’espère que vous nous ferez
l’honneur d’accepter notre hospitalité.
    — Merci, je vous en suis très reconnaissant.
    — Vous et moi serons adversaires lors de la disputation
de demain soir, nous nous affronterons sur la scène de Divinity School, mais
j’espère que d’ici là nous nous conduirons en amis. »
    Un sourire furtif glissa sur son visage.
    Ainsi donc c’était lui, mon contradicteur aristotélicien. Il
avait l’air tatillon et ses marques d’hospitalité ne paraissaient pas tout à
fait sincères, mais j’étais résolu à faire bonne impression à Oxford et je lui
adressai donc un grand sourire.
    « Je l’espère moi aussi, recteur Underhill. »
    Nous entrâmes en ville par la porte est, une petite
barbacane offrant un accès par les hautes murailles qui entouraient le cœur de
la ville. Comme nous passions sous les remparts, une fanfare se mit à jouer
courageusement malgré la pluie et le vent. Le palatin sortit de sa torpeur pour
agiter la main sans enthousiasme tandis que notre groupe progressait au milieu
de maisons à colombages auxquels se substituèrent, lorsque nous arrivâmes près
du centre, les façades en pierre de l’un ou l’autre des collèges. Grelottant,
serrés les uns contre les autres pour nous saluer au passage, des groupes
d’étudiants de tous âges se tenaient là, vêtus de leurs uniformes d’apparat,
sous l’œil vigilant de leurs professeurs. Pour finir, nous nous arrêtâmes au
coin d’une rue étroite qui bifurquait vers le nord, où l’on m’informa que le
recteur et moi allions quitter les autres. Lorsque j’eus mis pied à terre et
confié mon cheval aux soins d’un jeune palefrenier, qui l’emmena à l’écurie
personnelle du recteur, je m’approchai de Sidney, qui saisit ma main en se
penchant.
    « Je te verrai demain pour ton heure de gloire, Bruno,
dit-il en souriant. Ne laisse rien te distraire de ton travail, mais aie une
pensée charitable pour moi au dîner. »
    Il me désigna du menton le palatin qui se plaignait
fortement auprès de l’un des officiels de l’université du mal considérable que
lui causait la selle de son cheval. Sa compagnie ne me laisserait que peu de
regret, mais j’étais déçu d’être séparé de Sidney. Ce soir-là, cependant, je ne
désirais rien d’autre que me retirer tôt et me préparer pour le débat public, et
je savais que je n’aurais pas été dans de bonnes dispositions pour faire la
conversation. Quand la disputation serait passée et que je m’en serais acquitté
de mon mieux, je pourrais me détendre,

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