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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Tu tiens vraiment à venir passer tes soirées avec ces héros de la fière Albion?
    De nouveaux jurons fusèrent en guise de réponse. À la fin, le député de Montmagny abdiqua :
    â€” Nous allons le boire au Château , ce fameux verre?
    Ã‰douard acquiesça, heureux de quitter ces parages où dominaient les uniformes kaki.
    * * *
    Le lendemain, en milieu d’après-midi, le député Dubuc agite de nouveau la clochette de la porte d’entrée. Derrière lui venaient deux jeunes filles vêtues de l’uniforme du couvent des ursulines. La plus âgée, Françoise, dépassait Thalie d’un pouce ou deux. Châtaine, les traits réguliers, placide, sa timidité la faisait rougir comme la couventine qu’elle était. Amélie, de deux ans sa cadette, ouvrait de grands yeux curieux sur les merveilles du commerce.
    Mathieu, derrière la caisse enregistreuse, accueillit le trio. Les pères, plus que les mères, déliaient volontiers leur bourse au moment de parer leurs filles. Le collégien, dont les lectures bravaient les interdits de l’Église, songea au petit médecin viennois du nom de Freud. Celui-là proposerait sans doute une interprétation troublante de ce phénomène.
    â€” Monsieur Dubuc, intervint Marie en s’approchant prestement, la main tendue. Je constate que vous avez pu libérer ces charmantes personnes de leur garde-chiourme.
    Le politicien serra la petite main, s’émut à nouveau du contact de la peau contre la sienne.
    â€” Comme vous l’aviez prévu, elles n’ont pu s’opposer à la volonté d’un représentant du peuple.
    â€” Lequel paie sans doute le prix fort pour les laisser s’occuper de l’éducation de ses filles. Elles aussi, au fond, sont de simples marchandes, et vous, l’une des personnes qui leur permettent de subsister de leur commerce.
    Dix-sept ans de mariage avec un anticlérical comme Alfred laissaient des traces : certaines des remarques les plus abrasives du défunt sortaient maintenant de la bouche de sa veuve. Elle se tourna, souriante, pour tendre la main à l’aînée des enfants.
    â€” Vous devez être Françoise. Si je ne me trompe pas, ajouta-t-elle à l’intention du père, cette jeune personne est plus grande que vous le disiez. Sur sa beauté, vous aviez cependant raison.
    Le petit mensonge pieux fit rougir à la fois la fille et l’auteur de ses jours. La marchande se tourna ensuite vers la cadette pour prendre sa main.
    â€” Et voici Amélie, elle aussi tout à fait ravissante.
    Marie saisit ensuite chacune des filles par un bras et se dirigea vers le présentoir des dentelles pour demander à Thalie :
    â€” Veux-tu t’occuper de cette nouvelle cliente? Son père souhaite lui offrir une robe… Mais monsieur Dubuc, ne pensez-vous pas qu’une seule robe, ce sera trop peu?
    â€” Elle a déjà des robes…
    â€” Les vêtements de l’été dernier ne lui feront plus. Puis, à son âge, les vêtements allant aux genoux ne conviennent plus.
    â€” Deux robes, abdiqua le père.
    Ã€ quatorze ans, Amélie devait commencer à cacher ses mollets. Thalie résuma la situation en précisant :
    â€” Quelque chose de pratique, pour les après-midi, et une autre plus… élaborée pour le soir?
    â€” Votre choix sera parfait, approuva le père.
    La fille de la marchande posa sa main dans le dos de l’adolescente afin de la conduire vers les étals de vêtements convenant à des clientes de son âge. Le député Dubuc remarqua en les regardant s’éloigner :
    â€” Cette personne pourrait être votre jumelle.
    â€” Voilà que nous avons un véritable politicien parmi nous, toujours près à flatter! s’esclaffa Marie. Souvenez-vous, je n’ai pas le droit de vote, vous gaspillez votre salive. Allez nous attendre dans la petite salle que vous avez découverte hier. Si l’ennui vous prend, préparez un peu de thé.
    L’homme fit comme on le lui disait. La marchande prit le bras de Françoise juste sous le coude pour l’amener près des présentoirs chargés de robes. Tout de suite, un chiffon de couleur pêche retint l’attention de la couventine.
    â€” Je crois que ceci… commença-t-elle.
    â€” La teinte est parfaite,

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