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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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étonné.
    â€” Je m’excuse, j’ai manqué de tact. Je comprends que l’on doive parfois accepter même l’insupportable. Au fond, j’ai eu beaucoup de chance. Mais dites-moi, les élèves de dernière année n’ont-elles pas parfois des permissions de sortie?
    â€” … Parfois.
    â€” Si vous m’y autorisez, je pourrais vous accompagner en ville. Il y a ici un salon de thé…
    Françoise garda ses yeux gris dans ceux, d’un bleu profond, de la jeune fille.
    â€” Je pourrais toujours dire que je rejoins papa, répondit-elle. Cela leur semblera plus naturel… Nous sommes surveillées de très près.
    â€” Merci d’accepter. Je serai heureuse de vous revoir.
    Thalie retira sa main, puis ajouta de son habituel ton enjoué :
    â€” Puis, mon grand frère pourra vous écrire, comme il le faisait cet été. Je suppose que ses cours de droit lui laisseront un peu de loisirs.
    â€” Les lettres sont ouvertes…
    â€” Cela sera encore plus amusant. Il pourra signer de mon nom, chercher à dire des choses entre les lignes. S’il commençait toujours en mettant « Très chère cousine Françoise », elles n’y verraient rien de mal.
    Mathieu échangea un regard avec sa sœur, touché de la voir proposer son amitié à cette jeune fille pour lui faire plaisir. Il ajouta en souriant, taquin :
    â€” Si je signe du nom de Thalie, je pourrai même ajouter un « X ». Cela semblera tout naturel, une bise entre cousines.
    â€” Je suppose…, admit la couventine. De votre côté, continua-t-elle, soucieuse de changer de sujet, votre séjour à l’université vous réjouit-il?
    â€” Toute personne capable d’endurer le cours classique peut survivre aux études de droit. Imaginez, des leçons tous les matins et l’après-midi pour étudier…
    Ã€ l’autre bout de la table, Paul arrivait à commenter les derniers événements politiques d’une voix égale. Sous la table, à l’abri de la nappe, le dessus de son pied droit servait de support à la cheville de Marie. Il intervint à l’intention du garçon :
    â€” Le plus utile pour vous serait de trouver un emploi de clerc chez un avocat talentueux de la ville. Au rythme de deux heures par jour, cela complétera bien les cours. Bien sûr, ces deux heures ne vous vaudront aucun salaire pendant la première, et sans doute aussi la seconde année.
    â€” … À part le notaire de mes parents, je ne connais personne dans ce milieu.
    â€” Souhaitez-vous vous spécialiser dans les contrats de mariage et les testaments?
    â€” Pas vraiment.
    En réalité, Mathieu choisissait un peu le droit à l’aveuglette, partageant simplement la conviction d’Alfred que cela le préparerait bien « aux affaires ».
    â€” Me permettez-vous de dire un mot à mes collègues à votre sujet?
    â€” Ce serait vraiment très gentil.
    Ã€ ce moment, Marie fit doucement glisser le bout de sa bottine vernie contre le mollet de son compagnon.
    * * *
    L’Université Laval formait, avec les Petit et Grand Séminaires, un complexe éducatif voué à la production des élites canadiennes-françaises. Il s’agissait d’une grande bâtisse de pierre grise surmontée d’un clocheton dont la façade donnait sur la rue Port-Dauphin. En ce 4 septembre, le toit de tôle brillait sous les éclats obliques du soleil.
    Mathieu trouva sans trop de mal la grande salle, se mêla à la petite foule des nouveaux étudiants, pour l’immense majorité des fils de notables de l’est de la province. Il reconnaissait chez plusieurs d’entre eux des condisciples des huit dernières années du cours classique. Il les avait croisés pour la dernière fois lors de la remise des baccalauréats ès arts du Petit Séminaire, le diplôme d’enseignement secondaire donnant seul accès à l’université. Les autres venaient de collèges ou de séminaires diocésains, de Rimouski à Nicolet, de Trois-Rivières à Chicoutimi.
    M gr François Pelletier, le recteur de l’université, sanglé dans une soutane violette, monta bientôt sur la scène, entouré des divers doyens de faculté.
    â€” Messieurs, commença-t-il d’une voix suave, je

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