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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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chemins de fer recevaient une attention particulière, car un attentat risquait d’entraver le commerce pendant un long moment. Le Royaume-Uni se trouvait de plus en plus dépendant des importations pour nourrir sa population et continuer son effort de guerre.
    â€” Ils ne peuvent tout de même pas tout surveiller, insista Édouard. Un seul bâton de dynamite bien placé, et toute l’opération d’aujourd’hui serait un échec.
    â€” Selon ce que j’en sais, au cours des derniers jours, tout a été soigneusement inspecté par des ingénieurs et des militaires. Pas une poutrelle, pas un rivet laissés de côté… Tu veux un peu de café?
    Au moment de quitter la maison, un peu après cinq heures, la cuisinière avait remis un thermos à Thomas. Ces bouteilles, produites en Allemagne d’abord, puis très vite un peu partout dans le monde, conservaient la chaleur ou le froid des liquides pendant quelques heures. Si cela permettait de faire cesser les allusions à des attentats, il remercierait la grosse dame de nouveau ce soir.
    Ã€ huit heures cinquante, dans un crissement de métal, les crics hydrauliques posés sur les bras cantilevers furent actionnés pour la première fois. La travée centrale s’éleva de deux pieds. Le mouvement échappa pourtant aux spectateurs les moins avertis. De longues minutes s’écoulèrent encore avant l’effort suivant. Au troisième, soulevé de six pieds au total, le rectangle métallique dégagea les barges. Les remorqueurs s’éloignèrent rapidement, à toute vapeur.
    Pendant très longtemps, alors que les centaines de curieux retenaient leur souffle, la travée demeura immobile. Vers dix heures, elle recommença sa lente ascension. Trente minutes plus tard, elle se trouvait à vingt pieds au-dessus de la surface de l’eau. Au moment de parcourir encore deux pieds, un crissement se fit entendre. Les hommes debout sur le rectangle de métal s’affolèrent un peu, crièrent à ceux qui, des dizaines de verges plus haut, dirigeaient la manœuvre. Après une minute, la structure se décrocha pour choir lourdement dans les flots, soulevant une immense gerbe d’écume dans un bruit mat. Le « Oh! » de terreur, sorti de milliers de poitrines, couvrit à la fois le bruit des équipements qui, arrachés aux bras cantilevers, tombèrent aussi dans le fleuve, et les cris des ouvriers entraînés avec eux. Le moment de stupeur passé, Édouard murmura d’une voix blanche :
    â€” Tu vois, je te l’avais dit.
    Longtemps, Thomas demeura silencieux, figé par l’horreur de la scène. Enfin, il grommela :
    â€” Tu as raconté les mêmes sornettes lors de l’incendie du Parlement. En conséquence, je préfère attendre les résultats de l’enquête publique. Allons au magasin.
    Ce second accident entraîna un bilan moins terrible que le premier avec ses treize victimes. Les amateurs de théories du complot seraient à nouveau déçus : une pièce du mécanisme de levage ayant cédé, le déséquilibre résultant de l’incident avait suffi pour envoyer l’immense structure dans le fleuve.

13
    Non seulement Eugénie connut-elle un accouchement sans histoire grâce aux soins experts de Charles Hamelin, mais à la mi-septembre, son garçon, Antoine, maintenant âgé de sept mois, criard et joufflu, paraissait tenir de son père. Cela ne semblait guère la réjouir. Heureusement, Jeanne se montrait disposée à se muer en gouvernante pour les quelques années à venir.
    Les visites bimensuelles chez ses parents avaient repris au mois d’avril précédent, à l’immense plaisir de grand-maman Élisabeth. Édouard se plaisait d’ailleurs à l’appeler «mémère » à l’occasion. Chaque fois, elle lui adressait un grand sourire, comme s’il la gratifiait d’un compliment rare, et commentait : « Maintenant, c’est ton tour de me faire ce bonheur. »
    Eugénie, de son côté, se révélait encline à limiter tout contact avec sa progéniture, le sien comme celui des autres :
    â€” Le mieux serait de le remettre dans son berceau pour le laisser dormir. Sinon, je devrai lui donner le sein de nouveau.
    La maîtresse de maison

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