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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ce qui m’a pris…
    â€” Entre amies, je vais vous le dire. Il est très bien. Je crois que je suis heureuse… Pas juste en sécurité, comme du vivant d’Alfred, mais heureuse.
    â€” Profitez-en, vous le méritez.
    La femme esquissa encore le mouvement de quitter la cuisine, pour entendre encore :
    â€” Dites-lui de venir ici…
    â€” Pardon?
    â€” Au lieu de vous rendre chez lui, et d’attirer l’attention au moment de rentrer, demandez-lui de venir ici. Par la ruelle, c’est discret. De son côté, sa réputation ne risque rien, les hommes se promènent dehors toute la nuit sans que personne ne trouve à redire. Jamais on aura la même indulgence à votre égard.
    Marie demeura songeuse, consciente qu’au moment de revenir de la rue d’Auteuil, de nombreuses personnes pouvaient la reconnaître. À la fin, elle chuchota :
    â€” À cause des enfants, je ne peux pas.
    â€” Ils comprennent, ils savent que vous êtes amoureuse. Cela se voit sur votre visage. Ce soir, ils se doutaient bien de la raison de votre absence.
    â€” Douter, ce n’est pas tout à fait savoir. Je ne peux pas recevoir un homme dans la maison. Enfin, pas mon amant.
    Sur ces mots, sans rien écouter de plus, Marie regagna sa chambre.
    * * *
    Les journées de Fernand Dupire recelaient peu de surprises. Au fil des mois, son père lui confiait un nombre croissant de dossiers, pour la plupart ceux de personnes de moins de quarante ans. Il se réservait toutefois les situations les plus délicates, et les personnes connues depuis des décennies, qui souffriraient d’une rupture de leur vieille relation d’affaires.
    Recevoir des visiteurs consommait la moitié du temps du jeune homme, y compris parfois en soirée. Les recherches, la rédaction des actes, occupaient tout le reste. Ce genre de travail demeurait toutefois poreux et réservait des moments pour converser avec ses parents ou même avec Antoine. Dans son cas, bien sûr, le babillage sans fin constituait un piètre échange d’idées.
    Au moment de se rendre à la cuisine afin de se verser une nouvelle tasse de thé, il entendit une voix enjouée prononcer :
    â€” Alors, mon petit monsieur, on est tout propre, maintenant?
    Il découvrit Antoine nu comme un ver, soutenu par Jeanne, les deux pieds s’agitant dans une bassine de zinc posée sur la table. La domestique, enthousiaste, lui permettait de tester la force de ses petites jambes. Quand elle aperçut son patron à l’entrée de la pièce, elle précisa, en guise d’explication :
    â€” Je trouve plus simple de faire sa toilette ici…
    â€” Oui, je sais. De toute façon, il n’a pas encore appris à être intimidé, dans cette tenue.
    Le garçon offrait à la vue un corps toujours luisant d’humidité, un ventre et des fesses rebondies, des membres potelés. Son visage joyeux et son gazouillis témoignaient bien que l’idée de couvrir sa « honte » ne l’habitait pas encore.
    La domestique l’enveloppa dans une grande serviette de toile avant de le prendre dans ses bras et, en s’adressant au petit :
    â€” Tout de même, on ne restera pas dans ce bel habit de peau toute la journée, mon grand.
    L’enfant regardait en direction du nouveau venu et tendait les bras en émettant un son qu’une personne très optimiste aurait pu confondre avec un « papa ».
    â€” Oui, c’est ton papa, répondit Jeanne. Tu veux aller le rejoindre?
    Le geste de la tête semblait un assentiment. La jeune femme s’approcha et tendit un Antoine plutôt excité à son père. Au moment de le prendre, le dos de la main de Fernand effleura l’un de ses seins.
    â€” Je… je m’excuse, bredouilla-t-il.
    â€” Ce n’est rien. Vous vouliez du thé?
    Son sourire engageant permit au jeune notaire de retrouver sa contenance.
    â€” Oui. J’ai tendance à laisser refroidir la tasse. Finalement, je finis par en boire assez peu.
    â€” J’ai mis de l’eau à chauffer, tout à l’heure. Je vais vous en préparer du frais.
    Elle étira les bras afin de prendre une théière sur une étagère, révélant ainsi le galbe de sa poitrine dans son mouvement. Tout en ne perdant rien du joli spectacle, l’homme fit semblant de

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