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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Tu ne parles pas sérieusement?
    Elle le regarda, immobile. Après un moment, il continua, déjà un peu moins agressif :
    â€” Où que l’on aille, dès que je me retourne, un homme vient te parler.
    Exciter sa jalousie ne lui paraissait pas une mauvaise affaire. Déjà, dans le passé, l’attention des hommes avait suscité des commentaires acides, mais aussi un regain d’attention de la part de son amant.
    â€” Tu crois que je le fais exprès? Les hommes me remarquent… Toi le premier, quand tu m’as offert cette balade en voiture.
    â€” Tu avais besoin d’encourager ce type?
    â€” Comment cela, l’encourager?
    â€” Je te l’ai dit… Les sourires, la façon de bouger les yeux. Si tu lui avais simplement dit d’aller se faire voir ailleurs, rien de tout cela ne serait arrivé.
    De nouveau, la surprise se lut sur le petit visage. Un peu plus et il la rendait responsable de toute l’échauffourée. Pourtant, les bagarres entre les militaires venus du reste du pays et les Canadiens français se multipliaient, les premiers reprochant aux seconds de ne pas assumer leur part de l’impôt du sang.
    â€” Si tu ne sais pas te battre, ne commence tout simplement pas la bagarre et tiens-toi loin de ces hommes, siffla-t-elle entre ses dents. Qu’est-ce que cela te donne de me reprocher tout cela?
    Son amant serra les poings jusqu’à blanchir ses jointures. La douleur à l’arrière de sa tête, le lieu de l’impact du second coup, irradia tout son crâne.
    * * *
    Marie se trouvait nue sous le drap et la couverture. Ils avaient quitté le restaurant à l’heure où les autres convives demandaient à voir la carte des desserts. Pareille connivence entre eux couronnait un repas à peine entamé tellement leurs yeux avaient de choses à se dire. La pension du politicien, rue d’Auteuil, possédait une entrée de service discrète. Ils avaient atteint la chambre sans croiser personne.
    La pièce s’ornait d’une grande fenêtre donnant sur l’enceinte de la ville et, au-delà, sur le palais législatif. La chambre, assez grande, comptait un lit dans une alcôve, et dans la plus grande section, une table de travail, une chaise et deux fauteuils.
    Paul revint du rez-de-chaussée avec une théière fumante. Les deux tasses étaient déjà sur la table, près du lit.
    â€” L’endroit paraît désert. Les autres locataires doivent boire un verre au bar du Château Frontenac . Les débuts de session sont propices aux grandes conspirations.
    â€” C’est heureux, car dans cette tenue…
    Le député avait boutonné sa chemise tout de travers. Ses bretelles lui battaient les fesses. Il laissa échapper un grand rire en versant la boisson chaude.
    â€” C’est vrai, je me serais attiré quelques remarques. Toutefois, comme la maison n’accueille que des hommes, personne n’hésite à se montrer un peu débraillé.
    â€” Ce sont tous des collègues?
    â€” Presque tous. La propriétaire aime louer à des gens qui sont absents pendant de longs mois chaque année.
    Marie se redressa en prenant bien garde de tenir le drap contre sa poitrine, prit la tasse de thé et souffla un peu sur le liquide afin de le refroidir.
    â€” Je suppose aussi que ces beaux messieurs reçoivent de bonnes amies, à l’occasion. Comme leur épouse se trouve parfois à l’autre bout de la province…
    â€” Je ne l’ai jamais fait!
    Paul se sentait déjà coupable d’avoir amené une femme dans son lit avant même le premier anniversaire de son veuvage. Son grand deuil durerait encore plusieurs semaines. La situation s’assimilait pour lui à un adultère commis à titre posthume.
    Marie fit passer sa tasse dans son autre main et allongea la gauche afin de la poser sur le bras de son compagnon, maintenant assis près d’elle sur le lit.
    â€” Ce n’est pas ce que j’ai dit. Nous sommes seuls, nous ne trompons personne. De mon côté, je ne regrette pas notre relation, je suis heureuse de ce développement, aujourd’hui. Nous l’attendions tous les deux depuis l’été dernier.
    â€” … Tu as raison, même si notre histoire ferait sans doute ricaner tous les censeurs de Québec, et ils sont légion. Nous avons droit à ce

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