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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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qui ont préservé notre contrée d’une annexion aux États-Unis. D’abord lors de la grande révolution dans ces pays, puis encore à Châteauguay.
    Ce genre de retour dans le passé, pour rappeler la gloire des aïeux venus de France, figurait dans tous les discours, surtout depuis que le pageant de 1908 avait ravivé la présence de tous ces noms dans les mémoires. Borden avait usé du même procédé vingt-quatre heures plus tôt. Tous s’attendaient toutefois à ce que la suite diffère totalement, tant dans le ton que dans le contenu. Ce ne serait pas exactement le cas.
    â€” Aujourd’hui, nos deux mères patries, l’ancienne, à qui nous devons la fidélité de l’enfant pour celle qui lui a donné la vie, et la nouvelle, qui a gagné notre loyauté au cours du dernier siècle et demi, réclament notre aide. Le militarisme prussien menace la liberté. Ces deux pays appellent au secours. Aux yeux du monde entier, laisserons-nous l’image de lâches qui refusent d’entendre les appels à l’aide?
    Personne ne pouvait huer ou siffler Wilfrid Laurier. Armand Lavergne, assis dans les premiers rangs, contemplait l’ami intime de sa mère. Cet homme lui avait écrit régulièrement pendant ses années de pensionnat, l’avait conseillé sur son choix de carrière, avait surveillé ses premiers pas en politique avec un sourire bienveillant, même quand ses excès de langage le transformaient en une nuisance pour le Parti libéral.
    Ã€ son admiration sans borne se mêlait toutefois un malaise profond, celui du nain ambitieux face au géant. La stature de Laurier agissait comme le révélateur de la médiocrité des réalisations du trublion qu’il était. En lui, les élans d’amour se disputaient avec une jalousie sourde, délétère comme un acide.
    â€” Nous devons nous enrôler, déclara le vieil homme d’une voix grave. Je regrette d’être si vieux, je ne peux plus le faire. Je regrette de ne pas avoir d’enfants, ils feraient leur devoir pour moi, à la fois pour la France et le Royaume-Uni.
    Cet effort de rhétorique fut accueilli par un silence lugubre. De toute façon, les enfants de Laurier, s’il en avait eus, seraient maintenant quinquagénaires. Bien sûr, il y avait la rumeur tenace. Édouard Picard se retourna vers Lavergne, assis à côté de lui, mais résista à la tentation de lui donner un coup de coude pour souligner ces paroles. Surtout que l’autre rougissait sous son regard ironique et serrait fortement les mâchoires.
    â€” Certains voudraient relier le sort de nos frères en Ontario, ou ailleurs au Canada, en regard de la langue de l’instruction, à la participation à la guerre. La justice nous sera rendue si nous participons, en ce moment de grand péril, à la défense de la liberté, de concert avec nos compatriotes d’une autre origine.
    â€” Que ces compatriotes-là nous rendent d’abord justice, grommela Lavergne entre ses dents à l’intention de son voisin. Nous verrons ensuite, au sujet de l’enrôlement.
    Dans la salle, le bruissement des commentaires s’éleva. Venue à cette grande assemblée afin de crier son opposition à la conscription, l’assistance se voyait recommander de se joindre à l’armée par le plus grand parmi les siens.
    â€” Je vous ai bien entendus crier contre l’enrôlement obligatoire, tout à l’heure. L’idée même de la conscription répugne aux esprits libéraux. Les hommes courageux acceptent de faire leur devoir avec joie; les y forcer enlève toute noblesse, toute grandeur au sacrifice. Des pays comme la France ou le Royaume-Uni y ont pourtant recours, en ce moment de grand danger. Parfois, un mal devient nécessaire pour nous préserver d’un mal plus grand encore.
    Le murmure dans la salle s’accentua encore un peu. Pourtant, personne n’osait hurler des insultes, interrompre l’orateur ou l’empêcher de prononcer son discours.
    â€” Personnellement, je suis contre la conscription.
    Cette fois, la foule laissa éclater un tonnerre d’applaudissements. Les mots attendus depuis le début résonnaient enfin.
    â€” Enrôlez-vous de façon volontaire. Cela seul vous protégera de la cœrcition. Si

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