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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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faire un tour à la maison. Je m’ennuie de tes idées politiques rétrogrades et de tes paroles sages.
    L’autre adopta une mine empruntée et porta ses yeux sur Eugénie, comme pour obtenir une nouvelle autorisation de sa part. Après une courte hésitation, celle-ci acquiesça :
    â€” Édouard a raison, venez nous visiter. Toute la famille sera heureuse de vous revoir.
    Le frère et la sœur lui adressèrent un dernier salut de la tête avant de se diriger vers la rue Desjardins. Le notaire les regarda traverser la petite place devant la basilique, partagé entre le bonheur et l’inquiétude. Si sa démarche se trouvait couronnée de succès, le ton de la jeune femme tenait de l’abdication lassée.
    * * *
    Finalement, les prêtres terminèrent le grand spectacle lugubre et consentirent à laisser s’égailler la foule sur le parvis de la basilique. La très grande majorité de ces spectateurs regagneraient immédiatement leur domicile. Seuls les proches se donneraient la peine de se rendre au cimetière Belmont, dans la campagne de Sainte-Foy.
    Thomas Picard faisait partie de ceux-là. Sa femme Élisabeth, pendue à son bras, offrait aux regards sa silhouette longiligne qu’aucune grossesse n’était venue alourdir. À la voir, chacun comprenait que le grand magasin Picard permettait aux endeuillées de demeurer séduisantes. Le corsage de satin noir laissait deviner deux seins parfaits, haut perchés. La jupe, de la même teinte, s’évasait en une corolle plutôt étroite. Les lourds cheveux, d’un blond foncé, se trouvaient relevés sur la nuque en un assemblage compliqué pour révéler un cou fin, des oreilles petites et bien dessinées, la ligne pure de la mâchoire.
    Depuis quelques instants, toute l’attention de cette femme se trouvait concentré sur un garçonnet âgé de cinq ans et quelques mois, aux yeux d’un bleu très pur et aux cheveux si blonds qu’ils semblaient blancs sous le soleil de cette fin de juin.
    â€” Monsieur Picard, je vous offre mes condoléances, commença un personnage chétif à qui son costume donnait un air étriqué.
    Fulgence Létourneau avait répété ces mêmes mots, avec la même affectation, à quelques reprises déjà : au moment du naufrage, puis lors de la parution de la liste des disparus, encore lors de la découverte du cadavre, et de nouveau deux jours plus tôt, quand une petite affichette avait signalé à tous les employés de l’entreprise que le magasin Picard et les ateliers de confection fermeraient leurs portes le 27 juin au matin afin de permettre à toutes et à tous d’assister aux funérailles du frère du patron.
    â€” Je vous remercie, Fulgence.
    â€” Vous vous souvenez certainement de ma femme, marmonna l’employé en s’effaçant à demi.
    â€” Monsieur… mes condoléances, fit-elle en tendant la main.
    â€” Merci, madame Létourneau.
    Avec sa poignée de main ferme et énergique, cette femme blonde et grosse ne laissait planer aucun doute : elle, plutôt que son mari, régnait sans partage sur leur ménage.
    â€” Je constate que ce jeune garçon grandit rapidement, commenta Thomas en examinant le bambin accroché à la jupe de sa mère, la tête contre la cuisse de celle-ci.
    â€” Nous allons essayer de le faire entrer à l’école dès septembre prochain, même si les religieuses prétendent être intraitables sur l’âge d’admission.
    Thomas comprit que l’épouse de son employé ne considérerait jamais un « non » comme une réponse valable. L’affaire se réglerait devant le conseil de la commission scolaire.
    Dans les secondes suivantes, le couple curieusement assorti adressa ses condoléances à Élisabeth. Celle-ci ne put résister : d’un mouvement susceptible de faire apprécier à tous la souplesse de sa taille et le galbe de ses fesses, elle s’assit sur ses talons, pour mettre ses yeux à la hauteur de ceux de l’enfant, et demanda de sa voix la plus câline :
    â€” Comment t’appelles-tu?
    â€” … Jacques, murmura le gamin, séduit par la belle dame.
    â€” C’est un joli prénom, pour un joli petit homme. Tu as quel âge?
    L’enfant leva sa main

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