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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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moururent sur ses lèvres. Fernand ne put s’empêcher de sourire avant de rétorquer :
    â€” En as-tu courtisé plusieurs avant de choisir maman?
    â€” C’était une autre époque. De nos jours…
    Encore une fois, l’explication sonnait trop faux pour qu’il se donne la peine de poursuivre.
    â€” Vous savez que je l’aime depuis des années. Quand je lui ai parlé, ce jour-là, elle m’a repoussé.
    Ses parents connaissaient l’épisode de 1907. Dans un soupir lassé, il reprit :
    â€” Je la comprends un peu, je n’avais même pas commencé mes études universitaires. Maintenant, elle paraît mieux disposée. De mon côté, je suis plus âgé, bien en selle dans ma profession.
    â€” … Surtout que personne ne lui a montré d’intérêt depuis tout ce temps, souffla sa mère. Il peut y avoir une raison pour cela.
    Dans d’autres circonstances, Fernand aurait saisi le sous-entendu. Seul son aveuglement, au moment d’aborder le sujet de la femme de ses rêves, l’amena à réaffirmer :
    â€” Je ne forcerai pas les choses. Mais si nos rapports demeurent aussi bons, d’ici quelques semaines, je lui proposerai le mariage.
    Le couple de vieux parents échangea un regard attristé. Aucun d’eux ne retrouverait son appétit. En face d’eux, leur fils, une fois l’aveu difficile formulé, paraissait disposé à affronter son souper d’une fourchette courageuse.
    * * *
    Le grand salon bourgeois des Dupire témoignait toujours des goûts de la fin du siècle dernier. Le papier peint montrait de lourdes fleurs rouges, les rideaux de velours cramoisi assombrissaient encore un peu plus la pièce. Quand, à dix heures, la mère se leva péniblement de son fauteuil après avoir posé sa broderie dans son panier, les deux hommes détournèrent les yeux de leur journal.
    â€” Je vais me coucher, annonça-t-elle. Bonne nuit, Fernand.
    Le garçon répondit par le même souhait alors que l’époux précisa :
    â€” Je te rejoins dans quelques minutes. Auparavant, je veux discuter un peu d’un contrat.
    L’homme ramena son regard sur son fils avant de continuer :
    â€” Passe dans mon bureau, j’aimerais te parler.
    Le garçon acquiesça, puis emboîta le pas à son père, soupçonnant celui-ci de vouloir discuter d’homme à homme de ses projets matrimoniaux. Aussi, alors qu’il entrait dans la pièce de travail donnant sur la façade de la maison, il fut surpris de le voir ouvrir un petit classeur discret contenant les documents relatifs à des transactions délicates. Jusque-là, Fernand n’avait jamais été autorisé à y jeter les yeux. Les grandes chemises de format légal recelaient des secrets de famille relatifs aux élites de la Haute-Ville.
    â€” Si tu veux lire ce contrat. Prête une attention particulière aux dates.
    Le jeune notaire s’abandonna dans la lecture d’un texte riche en circonvolutions stylistiques. Le contenu s’avérait pourtant assez simple : un inconnu chargeait Thomas Picard de trouver un foyer catholique à un bébé toujours à naître. Pour éviter toute indiscrétion, le marchand verserait lui-même la petite rente destinée à pourvoir aux besoins de l’enfant jusqu’à ses dix-huit ans. Au bas de la grande feuille, il reconnut la signature du voisin de la rue Scott et celle de Fulgence Létourneau.
    â€” … C’est généreux de sa part, car si l’homme mystérieux à qui il rend service, vraisemblablement le grand-père, se dérobe à son engagement, il paiera de sa poche.
    â€” Si tu parles sérieusement, je garderai encore quelques années la clé de ce classeur sur moi. Cela signifie que tu n’es pas prêt à partager certaines confidences.
    Une pendule posée sur le manteau de la cheminée sonna la demie. La pièce de travail accueillait depuis quelques années deux lourds bureaux de chêne. Des rayonnages couraient le long des murs, alourdis par d’innombrables gros traités de droit et quelques classiques de littérature antique ou médiévale rédigés en latin. Si la salle à manger se révélait sévère, le mot « lugubre » convenait mieux à ce cabinet.
    â€” Tu veux dire

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