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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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faire?
    â€” Réfléchir.
    La réponse ne satisfit pas le vieil homme. Son départ de la pièce ne s’accompagna d’aucun souhait de bonne nuit. La chose lui paraissait impossible.
    * * *
    Le mois d’août se terminait en beauté, chaud et ensoleillé. Comme pour conjurer l’horreur dressée à l’horizon, la nature se rappelait aux humains, belle et douce. Pourtant, en s’engageant dans la rue de la Fabrique, Élisabeth remarqua l’affluence de jeunes gens un peu trop gais, allant par petits groupes, s’interpellant l’un l’autre d’une voix tonitruante en anglais. Tous portaient un uniforme kaki. Les dizaines de milliers de volontaires évoqués dans les journaux manifestaient leur présence dans les rues. Alors qu’elle poussait la porte du commerce ALFRED, elle entendit un sifflet, puis un :
    â€” Come with me! gouailleur, accompagné d’un bras tendu.
    â€” Do you figure? I could be your mother.
    Le grand garçon un peu éméché rougit et tourna les talons afin de retrouver la sécurité de ses camarades avinés. La femme mentait un peu : pour avoir un fils de cet âge, elle aurait du se montrer bien précoce. À l’intérieur de la boutique de vêtements, elle se dirigea vers la caisse enregistreuse afin de serrer la main de Mathieu.
    â€” Comment allez-vous?
    Devant ce garçon déjà aussi grand que la plupart des hommes faits, le tutoiement ne convenait plus guère. Il comprit tout de suite le sens de la question.
    â€” Le plus troublant, c’est que je m’attends toujours à le voir entrer pour lancer l’une de ses remarques acides sur la sottise de ses contemporains.
    Elle joignit sa main gauche à la droite et retint celle du garçon.
    â€” Avec cette guerre stupide, je devine qu’il aurait beaucoup à dire. Le début des classes vous apportera sans doute une heureuse diversion. Vous commencerez la première année de philosophie?
    â€” Oui. Vous avez raison, tous ces prêtres sauront me faire oublier un peu cet aimable anticlérical.
    â€” Oublier? Certainement pas.
    Ã‰lisabeth libéra la main de Mathieu et se retourna un moment vers la vitrine. Les silhouettes kaki encombraient toujours le trottoir.
    â€” Cette présence ne doit pas être propice pour les affaires. Ils se tiennent là où des jeunes femmes sont susceptibles de se présenter.
    La perspective d’affronter le feu ennemi rendait ces jeunes gens très sensibles à tout ce qui incarnait la vie, et en particulier les jolis minois.
    â€” Les clientes peu désireuses de se faire siffler préfèrent sans doute ajourner leurs achats. Celles qui apprécient ce genre d’attention ne comptent pas parmi les plus nanties.
    â€” Elles sont jeunes et impressionnées par leur allure martiale.
    Thomas rencontrait le même problème rue Saint-Joseph. Toute la ville apprenait à vivre avec la présence tonitruante de ces soldats.
    â€” Heureusement, les jours de congé sont rares, conclut le garçon. Les officiers savent les occuper, la plupart du temps. Apprendre à marcher en rangs serrés ne s’acquiert pas si facilement.
    Comme une cliente s’approchait avec une paire de gants à la main, la visiteuse s’effaça poliment. Thalie se tenait au fond du commerce, devant un immense meuble présentant une grande quantité de petits tiroirs. Sa robe noire s’ornait d’un large col de dentelle blanche, une petite concession faite au grand deuil. Ses cheveux charbon s’étalaient sur ses épaules, un ruban, noir aussi, les empêchant de retomber sur ses yeux.
    â€” Tu es ravissante, absolument ravissante, commença Élisabeth.
    Ses lèvres se posèrent sur les joues, l’une après l’autre, alors qu’elle prenait les deux mains dans les siennes. Plus pâle de teint, la jeune fille aurait rougi. Un sourire timide passa sur ses lèvres.
    â€” Comment vas-tu?
    â€” … Bien, je pense.
    Thalie ne se troublait guère de voir son père dans tous les coins du magasin, d’entendre parfois sa voix, plus souvent encore son rire sonore. Les fantômes se révélaient le plus souvent pour elle des présences rassurantes. Quant aux plus menaçants d’entre eux, elle arrivait sans trop de mal à les tenir en échec.
    â€” Tu parais très bien,

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