Le prix du secret
visant à remplacer notre reine par Marie Stuart. J’avouai que j’éprouvais toujours des sentiments pour lui.
J’éclaircis en outre mes relations avec messire Blanchard, et les raisons de ma venue en France – chaperonner Hélène et présenter les compliments d’Élisabeth à la reine Catherine.
— Quand j’ai reçu la lettre de Matthew, à Douceaix, je n’ai pu résister. Je le regrette, à présent.
La réaction du marchand ressembla beaucoup à celle d’Henri et Marguerite.
— Vous menez une vie difficile, dame Blanchard. Je prie que l’avenir vous réserve plus de joies. Je me garderai de vous conseiller. Vous êtes seule juge.
Je fus heureuse de sa sympathie et de sa discrétion. De prime abord, il m’avait fait l’effet d’un aventurier un peu fou, mais je découvrais de la solidité sous ce goût insouciant du danger.
Nous fûmes débarrassés de Searle avant d’arriver à Paris, en de terrifiantes circonstances. Nos différends privés eussent suffi à nos yeux, or il nous fallait aussi compter avec ceux de la France. Ryder avait eu raison de s’en inquiéter.
Nous vîmes bientôt les signes de la tourmente : les réfugiés d’un village où les catholiques avaient été attaqués, puis le village lui-même, réduit en cendres, les rues jonchées de cadavres, et par trois fois nous trouvâmes la route barrée.
Les deux premières barrières étaient contrôlées par des officiers de l’armée catholique, soumise au gouvernement. Ils furent impressionnés par ma lettre d’introduction signée de la main d’Élisabeth et nous laissèrent passer. Mais la troisième fois, ce fut une autre histoire. Ce barrage-là, fait de troncs d’arbres jetés en travers d’une piste forestière, était tenu par six mercenaires huguenots au menton bleui par une barbe de plusieurs jours, et extrêmement agressifs.
Bien que nous fussions anglais, ce qui aurait dû nous valoir d’être traités en amis, nous fûmes très près d’être pendus haut et court en tant qu’espions, même si ce dont on nous accusait n’était pas clair du tout. Néanmoins, nous étions supérieurs en nombre, avec un rapport de presque deux contre un, et quand la situation s’envenima, les membres de notre escorte tirèrent leur épée et attaquèrent.
Par chance, les femmes avaient leur propre monture et ne les gênaient donc pas. Nous nous tînmes à l’écart pendant que le combat faisait rage jusqu’à ce que Ryder surgisse soudain de la mêlée et, rencontrant mon regard, s’écrie : « Allez ! » Je compris et entraînai vite Hélène, Dale et Jeanne dans les bois au-delà, puis de l’autre côté de la piste.
Hors d’haleine et tachés de sang, les hommes nous rejoignirent. Trois des ennemis avaient péri, les autres s’étaient enfuis. Mais nous souffrions de deux pertes, de notre côté. L’une était Deacon, le compagnon de Jenkinson, celui qui se battait comme un fauve. Sa souplesse féline ne l’avait pas sauvé cette fois-ci. L’autre était Searle. Deacon était mort sur le coup. Searle vivait encore et nous tentâmes de le soigner, mais il avait été transpercé et expira pendant que Jenkinson et Ryder tâchaient d’examiner l’étendue de sa blessure.
Nous ne voulions pas nous attarder, cependant nous prîmes le temps d’étendre les corps de nos ennemis avec un semblant de décence. Sans doute, ils auraient été relevés de leur poste sous peu ; leurs camarades veilleraient à les ensevelir. Nous prêtâmes tous main-forte. Hélène conserva un calme marmoréen. Jeanne lui dit que cette besogne ne convenait pas à une jeune fille, mais elle répondit que ce n’était que des calvinistes, après tout. Je me détournai de peur de prononcer des paroles inconvenantes devant des morts. Nous plaçâmes nos deux compagnons en travers de leur cheval, dans l’espoir de trouver un endroit tranquille où les inhumer.
Une lieue plus loin, nous tombâmes sur un autre hameau incendié, dont les quelques survivants s’étaient cachés dans les bois pendant l’attaque. L’un était le prêtre du village. Son église avait été brûlée en même temps que les maisons, « mais un sol consacré le reste quoi qu’il arrive », nous dit-il quand nous demandâmes si nous pouvions enterrer nos morts dans son cimetière.
Il n’était plus jeune mais, en dépit de ses cheveux gris et de la cataracte blanche qui voilait l’un de ses yeux, il était coriace. Nous l’avions trouvé en
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