Le prix du secret
devions les vendre, nous espérerions que leurs nouveaux propriétaires les gardent sans jamais les fondre. Mais, dame Ursula Blanchard, pouvez-vous véritablement vous procurer ce trésor ?
— Je le pense, madame, bien qu’il me faille pour cela accomplir un voyage.
— Où se trouve-t-il ?
En silence, je bénis Sir Robin Dudley, dont la perfidie avait poussé Élisabeth à exhiber son trésor devant l’ambassadeur d’Espagne. Sans cela, je ne me serais jamais rappelé les objets que Gerald avait cachés, ne révélant qu’à moi seule leur emplacement.
— Sous le plancher d’un entrepôt d’Anvers.
— Vous êtes folle, dit mon beau-père, pris de panique. Vous ne pouvez aller à Anvers et déterrer un trésor ainsi ! Et d’ailleurs, de quoi se compose-t-il ?
— De vaisselle précieuse, éludai-je.
L’expression de Catherine de Médicis, lorsque j’avais commencé à en énumérer les détails, m’incitait à la prudence. L’or, en soi, inspire la convoitise, et plus encore quand il prend la forme d’objets raffinés. Gerald me l’avait dit, un jour, et je constatais à présent qu’il avait raison.
— Je ne l’ai jamais vu de mes yeux, mentis-je, mais Gerald m’en a lu l’inventaire. Il y avait des assiettes et des coupes, je crois. Mais cela avait assez de valeur pour intéresser la reine Catherine.
— Vous n’arriverez jamais à le transporter !
Le pauvre messire Blanchard, en dépit de sa haute taille et de son profil d’aigle, caquetait comme une poule.
— Ce sera lourd, volumineux ! De plus, cela devrait revenir au Trésor des Pays-Bas ou à celui d’Angleterre. Cela ne vous appartient pas ! Vous le volez, je ne sais à qui, mais ce n’en demeure pas moins vrai. Quelle que soit la forme exacte de ce trésor, il revêt une valeur considérable. Une rançon de reine pour une femme de chambre ! railla-t-il. Ha ! Très approprié ! Autant dire que c’est Élisabeth qui paye ! Vous risquez de finir à la Tour !
J’avais réussi à maintenir une trêve avec Blanchard jusqu’alors, surtout depuis que je l’avais vu pleurer Searle, mais cette fois j’éclatai :
— Et Dale ? Où finira-t-elle si personne ne paie ?
Brockley avait attendu mon retour dans la suite, et je le vis pâlir.
— Je n’ai pas d’autre choix, continuai-je d’un ton dur. Il faut que je me serve de ce trésor. Au nom du ciel, croyez-vous que cela me plaise ?
Dehors, le vent se levait. Il gémissait autour de la forteresse comme un être affligé. Comme Dale.
— Je préférerais de loin rentrer chez moi et voir ma fille !
À ce moment, je ne doutai pas que mon foyer, c’était l’Angleterre.
— Un aller et retour jusqu’à Anvers est bien la dernière chose dont j’aie envie. Mais il le faut. J’utiliserai le trésor au service de la reine, comme Sir Thomas Gresham et Gerald le voulaient, et si sauver une sujette anglaise d’une mort injuste et atroce n’est pas considéré comme tel, il est temps que cela change ! Je révélerai à Élisabeth tout ce que j’aurai fait, mais après !
— Comment vous rendrez-vous là-bas ?
— Hélène et vous pouvez prendre un navire pour l’Angleterre. Votre pupille se passera de chaperon.
— Non, madame, j’irai avec elle.
Du coin du bureau, Jeanne parla avec calme.
— Depuis notre départ de Douceaix, j’ai vu et entendu de telles choses… Je suis maintenant prête à quitter la France. J’irai avec ma jeune maîtresse.
— Est-ce vrai ? Merci, Jeanne. Fort bien. Vous irez tous en Angleterre, et je trouverai un navire pour Anvers. Peut-être, beau-père, me laisseriez-vous deux de vos hommes ? Je propose Mark Sweetapple et Hugh Arnold.
Le paisible Hugh Arnold et Tom Clarkson s’étaient adoucis envers moi ces derniers jours, parce qu’ils m’avaient vue sincèrement émue par la mort de Searle. Arnold me paraissait le plus capable des deux, c’est pourquoi je l’avais choisi.
— Je voudrais laisser Ryder ici, à condition qu’il l’accepte, car Brockley doit rester près de sa femme et il serait bon qu’un autre homme le soutienne. Ryder et lui sont amis.
Brockley hocha la tête sans mot dire.
— Nous la tirerons de là ! lui assurai-je. La reine mère a promis qu’elle serait transférée dans une cellule plus confortable, et vous aurez le droit de lui rendre visite chaque jour.
— Merci, madame. Je sais que vous faites tout ce que vous pouvez, répondit-il
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