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Le quatrième cavalier

Le quatrième cavalier

Titel: Le quatrième cavalier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Peut-être n’en savait-elle pas
davantage, ou devinait-elle simplement.
    Nous atteignîmes Cippanhamm à la fin du onzième jour de Yule.
Il y avait encore du givre dans les ornières et le soleil était une grossière
boule rouge très bas au-dessus des branches noires. Nous entrâmes par la porte
ouest dans la cité bondée, mais j’étais connu à l’enseigne de l’Épi, où la
putain rousse appelée Eanflæd travaillait. Elle nous trouva logis dans une
étable à demi effondrée où étaient parqués une vingtaine de chiens. Ils
appartenaient à Huppa, ealdorman de Thornsæta, mais elle jugea qu’ils
pourraient survivre à une ou deux nuits dans la cour.
    — Huppa ne le pense peut-être pas, mais il peut pourrir
en enfer, dit-elle.
    — Il ne paie point ? demandai-je.
    Elle cracha et me dévisagea avec curiosité.
    — Il paraît que Leofric est là.
    — Vraiment ? demandai-je, réjoui par cette
nouvelle.
    — Je ne l’ai point vu, mais quelqu’un l’a dit. Au
château royal. Peut-être est-ce Burgweard qui l’a amené ? (Burgweard était
le nouveau commandant de la flotte, celui qui voulait que ses navires voguent
deux par deux pour imiter les disciples du Christ.) Mieux vaudrait qu’il n’y
soit pas.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’il n’est point venu me voir, s’indigna-t-elle,
voilà !
    Elle avait cinq ou six ans de plus que moi, un large visage,
le front haut et des cheveux frisés. Elle était appréciée de tous, et avait
grande liberté dans cette taverne qui devait ses profits bien plus à ses
talents qu’à la qualité de son ale. Je la savais amie de Leofric, mais je
soupçonnai à son ton sa volonté qu’ils soient plus que cela.
    — Qui est-ce ? demanda-t-elle en désignant Iseult.
    — Une reine.
    — C’est sans doute ainsi qu’on les appelle ailleurs. Comment
va ton épouse ?
    — Elle est restée au Defnascir.
    — Tu es comme tous les autres, hein ? Si tu as
froid cette nuit, rentre les chiens pour vous tenir chaud. Je retourne
travailler.
    Nous eûmes froid, mais je dormis assez bien. Le lendemain matin,
douzième jour après Noël, je laissai mes six hommes à l’Épi puis emmenai Iseult
et Haesten à la demeure du roi, protégée par une palissade, au sud de la ville,
près de la rivière. Un homme devait assister au witanegemot avec une
suite, mais pas avec un Dane et une Bretonne. Toutefois, Iseult souhaitait voir
Alfred et je voulus lui faire plaisir. Par ailleurs, il y avait grand festin ce
soir-là et, bien que je l’aie prévenue que les festins d’Alfred étaient bien
chiches, elle voulut quand même venir. Haesten, avec sa cotte de mailles et son
épée, était là pour la protéger, car je craignais qu’elle ne soit pas admise
dans la salle durant les débats du witanegemot et doive attendre jusqu’au
soir pour apercevoir Alfred.
    À la porte, le garde exigea que nous laissions nos armes. J’obéis
de mauvaise grâce, mais nul homme, hormis les soldats du roi, ne pouvait être
armé en présence d’Alfred. Les discussions avaient déjà commencé, m’informa-t-il,
et nous courûmes, dépassant les écuries et la nouvelle chapelle royale à deux
clochers. Dans le groupe de prêtres blotti devant la grand-porte, je reconnus
Beocca, le vieux prêtre de mon père. Je lui souris, mais c’est les traits tirés
qu’il vint me retrouver.
    — Tu es en retard, dit-il vivement.
    — Vous n’êtes point heureux de me voir ? plaisantai-je.
    Il leva les yeux vers moi. Malgré ses yeux louches, ses cheveux
roux et sa main infirme, Beocca était devenu une autorité. Il était désormais
chapelain royal, confesseur et confident du roi, et les responsabilités avaient
creusé ses rides.
    — J’ai prié pour ne jamais voir ce jour, dit-il en se
signant. Qui est-elle ?
    — Une reine de Bretagne.
    — Quoi donc ?
    — Une reine. Elle m’accompagne et désire voir Alfred.
    Je ne sais s’il me crut, mais il sembla ne pas s’en soucier.
Il paraissait inquiet, distrait, et comme il vivait dans le monde étrange des
privilèges et des pieuses obsessions royales, je pensai que sa peine était due
à quelque mesquine dispute théologique. Il était le prêtre de Bebbanburg quand
j’étais enfant et, après la mort de mon père, avait fui le Northumberland parce
qu’il ne supportait point de vivre parmi les Danes païens. Il avait trouvé
refuge à la cour d’Alfred, où il était devenu l’ami du roi. Il était aussi mon
ami, celui qui

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