Le quatrième cavalier
d’elles
portait une vaste cape de fourrure argentée, et l’autre un bébé. Elles
rejoignirent les prêtres qui les attendaient et ils parvinrent au-dessous de
nous, où ils découvrirent un sentier serpentant dans le marais. Cinq des
prêtres conduisirent les femmes tandis que le sixième rebroussait chemin.
— Où va-t-il ? s’interrogea Leofric.
D’autres canards passèrent au-dessus de nous et descendirent
vers le marais. Des filets, songeai-je. Il devait y en avoir dans les villages,
et nous pourrions attraper poissons et gibier d’eau. Nous pourrions bien manger
pendant quelques jours. Anguilles, canards, poissons, oies. S’il y avait assez
de filets, nous pourrions même prendre au piège des cerfs en les attirant dans
le marécage.
— Ils ne vont nulle part, dit Leofric d’un ton
méprisant en désignant les prêtres immobilisés à une centaine de pas de la rive.
Le sentier qui semblait conduire au village se perdait dans
des roseaux où la petite troupe se cacha. Ils ne voulaient ni rebrousser chemin
ni continuer et restèrent sur place, perdus, glacés et désespérés. Ils
semblaient se disputer.
— Nous devons les aider, dit Eanflæd. Il le faut !
insista-t-elle, voyant que je ne réagissais pas. Elles ont un bébé.
J’allais répliquer que nous n’avions surtout pas besoin de
bouches supplémentaires à nourrir. Pourtant, ses paroles de la veille m’avaient
convaincu que je devais lui montrer que je n’étais pas l’infâme qu’elle pensait.
Aussi me levai-je, pris-je mon bouclier et descendis-je la colline. Les autres
me suivirent, mais nous n’avions pas fait la moitié du chemin que j’entendis
des cris à l’ouest. Le prêtre reparti seul était à présent avec quatre soldats
et venait d’apercevoir des cavaliers surgissant des arbres. Ils furent d’abord
six ; puis huit autres apparurent, puis dix encore. Je me rendis compte qu’une
colonne entière de cavaliers arrivait. D’après leurs capes et boucliers noirs, c’étaient
des hommes de Guthrum. L’un des prêtres piégés dans le marais revint sur ses
pas en brandissant une épée pour aider ses compagnons.
C’était bien brave de la part d’un homme seul, mais tout à
fait inutile. Dos à dos, les quatre soldats et l’autre prêtre étaient encerclés
par les Danes qui les taillaient en pièces, puis deux cavaliers virent le
prêtre à l’épée et se précipitèrent sur lui.
— Ces deux-là sont pour nous, dis-je à Leofric.
Nous n’étions que deux et, même si nous abattions les deux
cavaliers, nous n’aurions guère de chances face aux autres. Mais j’en avais
assez de me terrer dans la campagne enneigée, et j’étais en colère. Je dévalai
la colline sans me soucier du fracas des branches sur mon passage. Le prêtre
tournait le dos au marais et les cavaliers le chargeaient, quand Leofric et moi
surgîmes des arbres et les attaquâmes par le flanc gauche.
Je frappai le premier cheval de mon lourd bouclier. L’animal
hennit et s’écroula en entraînant son cavalier. Sous le choc, j’étais moi aussi
tombé. Me relevant le premier, je trouvai le soldat empêtré dans ses étriers et
coincé sous sa monture, alors j’abattis Souffle-de-Serpent sur lui. Je l’égorgeai,
lui piétinai la gorge et frappai encore, baignant dans son sang. Puis je volai
au secours de Leofric qui repoussait l’autre, toujours à cheval. Alors que l’homme
se tournait vers moi, Leofric donna un coup de hache à sa bête, qui se cabra, et
je cueillis le cavalier d’un coup d’épée dans le dos. À quelques pas de là, le
prêtre à l’épée nous regardait, stupéfait.
— Retourne dans le marais ! lui criai-je. Va !
Iseult et Eanflæd, qui nous avaient rejoints, l’empoignèrent
et l’entraînèrent. Le sentier ne menait peut-être nulle part, mais mieux valait
affronter les Danes dans le marais que sur la terre ferme.
Et les Danes arrivaient. Ils avaient massacré les quelques
soldats, vu leurs deux compagnons tués et criaient vengeance.
— Viens ! criai-je à Leofric.
Et prenant le cheval blessé par les rênes, je l’entraînai sur
le sentier.
— Un cheval ne servira guère là-dedans, dit-il.
Le cheval, blessé, était nerveux, et le chemin glissant, mais
je le traînai jusqu’à l’endroit où s’étaient blottis les réfugiés. Les Danes
avaient démonté et nous suivaient. Ils ne pouvaient avancer qu’à deux de front
et, par endroits, à un seul. C’est là que
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