Le retour de la mariée
père. Ils le font rêver, bien sûr.
— Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit dans les journaux.
— Tu le lui diras toi-même, quand tu le verras.
— Parce qu’il faut le retrouver, en effet, dit-il en s’asseyant en face d’elle, les coudes sur les genoux. Il a rejoint une bande ? Il n’est pas le premier à faire des bêtises, j’en ai connu d’autres, qui s’en sont bien tirés, quelquefois. Ils pillent les trains ? Ils volent du bétail ?
Caroline se mordit la lèvre. N’ayant pas prévu cette question, elle ne s’était pas documentée sur les activités particulières des hôtes du célèbre canyon.
— Je ne sais pas qui est le chef de la bande. Il ne le dit pas dans le billet qu’il m’a laissé. Il indique seulement qu’il part au canyon du Fantôme noir.
— Non ! s’exclama Logan en se redressant, la main levée comme pour conjurer un sort. Partout, mais pas là !
— Je sais que l’endroit a mauvaise réputation, mais…
— Mauvaise réputation ? C’est un passage presque inaccessible, à l’extrême ouest de l’Etat, au-delà d’un plateau désertique. Dis-moi que mon fils ne s’est pas fourvoyé dans ce repaire de brigands !
« Mon fils » ?
Quelle insupportable prétention ! Will était son fils à elle. Il l’était depuis quatorze ans de vie à deux, vécus chaque jour ensemble, sans interruption. Logan Grey comptait-il le lui voler ?
Au moins il n’avait pas refusé de l’aider, songea-t-elle pour apaiser ses craintes. Il s’intéressait à Will. Malgré les difficultés, il irait au secours de son fils.
Son fils …
Logan avait prononcé ces deux mots avec tant de chaleur,avec un tel sens des responsabilités ! Caroline regrettait à présent de l’avoir si souvent maudit, au cours de ces quatorze années. En fait, il n’était pas aussi coupable qu’elle l’avait cru. En provoquant son inquiétude, en exploitant sa bonne volonté, n’allait-elle pas commettre une injustice ?
— Caroline ?
Sa voix la tira de sa rêverie. Elle se reprit. Il lui fallait continuer à jouer le jeu, sous peine de tout perdre.
— Excusez-moi, Logan. Je préférerais ne pas vous apporter une aussi triste nouvelle, mais il a bien disparu, dit-elle en regardant ailleurs pour qu’il ne puisse pas lire dans ses yeux. J’ai lu quelque part que vous avez déjà fait une expédition jusqu’à ce repaire de hors-la-loi, et que vous en êtes sorti sans dommage. Alors j’ai pensé…
Comme s’il n’avait rien entendu, il se mit à arpenter la pièce, plongé dans ses réflexions.
— Un garçon de quatorze ans qui a envie d’aller au diable, dans une espèce de désert qui sert de refuge à des rebuts de la société, c’est vraiment incroyable ! maugréa-t-il.
Caroline se garda de réagir. Qu’aurait-elle pu dire sans se troubler, sans que sa voix se brise ?
— Pour le sortir de là je dois tout prévoir, reprit-il, donc tout savoir. Commencez par le commencement. Dites-moi comment cette idée lui est passée par la tête, comment il a vécu, et avec qui.
Caroline se sentait d’autant plus à l’aise pour lui répondre qu’elle n’avait qu’à lui dire la vérité.
— Après la mort de mon père, j’ai dû tout vendre pour payer ses dettes. Quand j’ai dû laisser le ranch à son nouveau propriétaire, j’étais enceinte de six mois, et je n’avais personne pour me soutenir. J’ai eu la chance d’être embauchée par Ben Whitaker, le patron du journal d’Artesia, comme garde-malade. Quand sa femme s’est trouvée guérie, j’aurais dû les quitter. Mais quand Will est venu au monde, Ben et Suzanne en ont été fous, dès le premier jour. Ils nous ontadoptés… D’une certaine façon, Will a toujours vécu en famille, si bien…
— Attendez une seconde. Vous parlez de Ben et Suzanne Whitaker ? On l’appelait Suzy la Terreur, au temps de la bande du Soleil Levant.
— Ils s’étaient rangés, protesta Caroline.
— Vous m’avouez froidement que des hors-la-loi ont tenu lieu de famille à mon fils ?
Son fils… Logan devenait lassant, à la longue.
— Suzanne n’a jamais été condamnée, rappela-t-elle. Et Ben a fait son temps en prison. Il a payé sa dette à la société !
Insensible à cette mise au point, Logan manifesta son indignation en agitant les bras, les yeux levés au ciel.
— Si les rangers avaient pu l’arrêter, cette Suzanne, elle y serait encore, en prison ! Les Whitaker,
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