Le retour de la mariée
jusque-là ?
Elle le pouvait, bien sûr. La question n’était pas là. Mais trouverait-elle le courage de lui avouer son mensonge ? Il le faudrait bien. Mais quand ?
A une faible distance, Holt Driscoll, les épaules basses, était penché sur Cade Hollister. Ils étaient ses victimes. Accablée de honte, elle faillit tomber à genoux. Elle n’avait plus à réfléchir. Il fallait qu’elle dise la vérité à Logan.
Mais pas ici, pas maintenant. Logan avait tant à faire, tant à penser… Il aurait été criminel de l’accabler en un pareil moment. En relevant les yeux pour le contempler, elle le vit si triste, si malheureux, si fatigué, que le cœur lui manqua. Non, pas maintenant. Plus tard, quand les sauveteurs seraient revenus d’expédition avec Cade et les autres blessés, elle lui dirait tout.
Alors elle n’aurait plus qu’à le regarder partir, une nouvelle fois.
Elle dut s’éclaircir la gorge pour lui répondre.
— On part tout de suite ?
***
Parkerville était restée une ville vivante, et ses habitants en étaient fiers. Grâce à eux, qui avaient lutté pour empêcher la destruction de leur gare, Parkerville n’était pas devenue une ville fantôme comme les autres cités du Texas. Ils avaient parfois dû employer la violence, mais toujours pour la bonne cause. Depuis, toute l’activité économique et culturelle des habitants de la prairie, à vingt miles à la ronde, se concentrait à Parkerville.
Peuplée de six cents âmes, la ville possédait trois églises, une école, un bureau de poste, un hôtel et deux saloons. Tout le monde savait que la maison à un étage, au bout deMain Street, la seule artère de la ville, était un bordel, mais personne n’en faisait mention.
Et surtout, Parkerville disposait d’un bureau de télégraphe.
Lorsque Logan et Caroline parvinrent à destination après une chevauchée épuisante, il leur suffit de se rendre à la gare pour donner l’alerte. L’un des deux employés, qui attendaient depuis des heures le passage du train, alla chercher au saloon le préposé au télégraphe pendant que l’autre se chargea d’avertir le maire et le shérif.
Un quart d’heure plus tard, des messages avaient été envoyés dans toutes les villes de la ligne, des vivres et des produits de toutes sortes s’entassaient déjà sur les marches de l’église la plus proche, et l’on forçait les feux d’une machine de secours qui allait conduire au plus près de la catastrophe une dizaine de volontaires.
Logan et Caroline se séparèrent. Logan alla télégraphier et s’occuper de leur hébergement pendant qu’elle secondait la femme du pasteur, qui organisait la collecte des dons, leur tri et leur transport dans les deux wagons disponibles remisés dans un hangar.
***
Moins d’une heure après leur arrivée, Logan et Caroline se rejoignirent pour assister au départ du convoi.
— Je pensais bien que nous allions recevoir de l’aide, dit Caroline, mais un tel empressement m’étonne.
— On dit de ces gens qu’ils sont le sel de la terre, rappela Logan. Dans ces régions désolées, la solidarité est une nécessité vitale. Et puis, tout le monde à Parkerville a intérêt à ce que la circulation des trains soit rétablie le plus tôt possible… Allons dîner. Je meurs de faim.
— Moi aussi, dit-elle.
Pourtant, lorsqu’ils furent à table dans le restaurant de l’hôtel, elle n’avait plus aucun appétit. L’épuisement physique a parfois cet effet, songea Logan. A moins qu’elle ne se fasse du souci en pensant à la nuit qu’ils allaient devoir passer ensemble. Il l’avait en effet prévenue que, l’hôtel étantpresque complet, ils devraient partager la même chambre, et surtout le même lit. Caroline n’avait pas caché sa contrariété, sans protester toutefois.
Pendant qu’il se régalait de viande, elle se nourrissait paresseusement d’un peu de purée, l’esprit ailleurs. C’était compréhensible après ce qu’elle avait vécu. Logan lui-même était marqué par les événements de la journée. Une des plus éprouvantes de sa vie. Il était épuisé et ne pensait plus qu’à une chose : dormir… avec elle.
Et pas question qu’il passe la nuit sur le plancher de la chambre ! Après tout, on ne pouvait reprocher à un mari d’occuper la moitié du lit conjugal !
Non pas qu’il espérât faire l’amour avec Caroline ce soir-là. Il ne s’y refuserait pas, bien sûr, mais il ne s’attendait pas
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