Le retour
maladie de Gérard à
cause des microbes.
- J'étais pas
consomption, moi, dit Laurette en élevant la voix.
- C'est vrai,
reconnut Bernard, tout sourire effacé, mais tu allais voir Gérard à
Saint-Joseph et t'aurais pu en rapporter à la maison. Tu connais Marie-Ange.
Elle poigne toutes les maladies qui traînent.
L'hypocondrie de
Marie-Ange était bien connue dans la famille et on ne se gênait pas pour en
faire des gorges chaudes. La femme de Bernard Brûlé voyait des microbes partout
et les imaginait à l'affût, prêts à lui sauter dessus à la moindre imprudence
de sa part.
- C'est correct,
dit sèchement Laurette à son jeune frère. Mais vous saviez que Gérard était
revenu depuis un mois. Pourquoi vous êtes pas venus nous voir plus vite? Il y
avait plus de danger.
- Marie-Ange est
restée couchée pendant les six dernières semaines. Elle peut se lever juste
depuis hier.
- Six semaines!
Veux-tu ben me dire quelle nouvelle maladie t'as encore trouvé le moyen de
poigner, toi?
demanda-t-elle en
se tournant vers la grande femme.
- Tiens-toi ben,
la prévint sa belle-soeur en baissant la voix. Tu devineras jamais ce qui nous
arrive.
- Quoi?
- Ma petite
fille, je suis en famille.
- Ben, voyons
donc! protesta Laurette au comble de la surprise.
- Je te le dis!
s'exclama sa belle-soeur, ravie de son état.
- Ah ben, bonyeu!
J'aurai tout vu, déclara Laurette.
Après quinze ans
de mariage?
- C'est pas
croyable, non?
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- Tu peux le
dire. C'est un vrai miracle.
- On peut pas
dire que t'as compris ben ben vite comment ça se faisait un petit, plaisanta
Gérard à mi-
voix en se
tournant vers son beau-frère. Mettre vingt ans pour en faire un, ça va ben être
une vraie merveille, cet enfant-là.
- J'en reviens
pas, admit Laurette. Es-tu ben sûre de ça? demanda-t-elle à sa belle-soeur.
T'as combien de mois de faits?
- D'après le
docteur, quatre mois.
Laurette compta
sur ses doigts avant de dire:
- Si je me trompe
pas, ça te mènerait au mois de novembre.
- Si elle le perd
pas avant, ajouta son frère, l'air sombre. Le docteur l'a obligée à rester
couchée pendant un gros mois et demi.
- Et là?
- Tout a l'air
correct. Il lui a permis de se lever et de marcher un peu.
- J'ai ben de la
misère à t'imaginer en famille à pleine ceinture, fit Laurette en se levant.
Bon. J'ai de la bière d'épinette, du Kik et du créant soda. Qu'est-ce que vous
voulez boire?
Les Brûlé ne
quittèrent l'appartement de la rue Emmett qu'un peu après dix heures. A leur
départ, les relations entre les deux couples étaient revenues au beau fixe et
on se promit de reprendre les soirées de parties de cartes qui leur plaisaient
tant avant la maladie de Gérard.
Une heure plus
tard, tous les enfants étaient rentrés.
Gérard et
Laurette se mirent au lit, après avoir récité leur prière.
- Avoir un petit
à presque quarante ans, chuchota Laurette à son mari, c'est risqué en maudit.
Je voudrais pas être dans sa peau pour tout l'or du monde. Ça a pas
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d'allure. On a
des enfants quand on est jeune, pas à son âge.
- C'est sûr que
c'est pas mal vieux, reconnut Gérard.
- Si encore elle
avait une grosse santé. Ben non. Elle a toujours été maigre à faire peur et
elle est toujours malade. Moi, j'ai l'impression qu'elle le portera pas jusqu'au
bout, cet enfant-là.
- On le sait pas.
- Il me semble la
voir à terme, fît Laurette en réprimant un petit rire. Grande et maigre comme
elle est, elle va avoir l'air d'avoir avalé un gros noyau.
- On est aussi
ben de dormir, décréta Gérard en tournant le dos à sa femme. Oublie pas que tu
te lèves de bonne heure demain matin.
Deux semaines
plus tard, le jour tant attendu des élections générales arriva enfin. Ce
matin-là, Laurette, étonnée, vit son mari se lever en même temps qu'elle.
- Il est juste
six heures, lui fit-elle remarquer. Pourquoi tu restes pas couché une couple
d'heures de plus?
- Je m'endors
plus, se contenta-t-il de dire en mettant son pantalon.
Pendant que sa
femme allumait le poêle à huile pour faire bouillir de l'eau, Gérard sortit sur
le balcon arrière pour voir le temps qu'il faisait. Il rentra dans la cuisine
deux minutes plus tard.
- Ça marchande
pour de la pluie, dit-il. Et il y a pas un souffle de vent.
- On va être ben
encore pour
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