Le retour
d'aussi
mauvaise humeur.
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- J'ai rencontré
le bonhomme Meloche en revenant de l'ouvrage. Il m'a engagé pour arracher les
affiches demain soir. Il va me donner sept piastres.
- Pourquoi pas
dix piastres comme il t'a donné pour les poser? demanda sa mère.
- Je lui ai
demandé. Il m'a répondu que c'était moins d'ouvrage et moins dangereux de les
arracher que de les poser. En tout cas, j'ai dit oui.
- Tabarnouche! Tu
vas finir par être riche, toi!
s'exclama
Jean-Louis avec une pointe d'envie dans la voix.
T'as un salaire
pas pire chez Impérial Tobacco. Tu gagnes de l'argent avec mon oncle Rosaire le
samedi. En plus, tu fais de l'argent avec les élections. T'as même pas de
dépenses. Tes cigarettes te coûtent rien et t'as pas à payer de p'tit char pour
aller travailler.
- Ben oui, fit
Richard en se rengorgeant.
- Tu dois en
avoir de collé en pas pour rire à la banque, poursuivit son frère aîné,
curieux.
- Inquiète-toi
pas pour ça. Je suis pas encore riche comme toi, le rembarra Richard en prenant
place à table.
Durant le repas,
personne ne fit allusion à l'air maussade de Laurette. Richard était heureux
d'avoir un emploi temporaire de plus. Gilles et Carole avaient officiellement
terminé leurs études et tout laissait croire qu'ils avaient réussi leur année
scolaire. Il ne leur restait plus qu'à se présenter à la remise des prix le
lendemain, chacun dans son école. Jean-Louis devait sortir et Denise ne pensait
qu'à Pierre
Crevier qui était venu l'inviter à dîner au restaurant, ce midi-là.
- Qui est allé
voter? finit par demander le père de famille au moment du dessert.
- Moi, j'y suis
allé, répondit fièrement Jean-Louis.
- Et toi, Denise?
lui demanda son père.
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- J'avais pas le
goût d'aller là, p'pa, répondit la jeune fille.
- En tout cas, à
partir de huit heures, on va savoir qui est entré, fit remarquer Gérard sans
susciter le moindre intérêt chez les siens.
Après le repas,
Laurette demanda à ses filles de s'occuper du lavage de la vaisselle.
- J'ai mal à la
tête. Je vais prendre deux Madelon et aller m'étendre une heure, expliqua-t-elle
avant de prendre la direction de sa chambre à coucher. Si vous faites jouer le
radio, mettez-le pas trop fort, demanda-t-elle sans préciser à qui elle
s'adressait.
Gilles était
heureux. Il n'avait eu aucun mal à se faire engager à temps plein chez Living
Room Furniture pour la durée de l'été. Il allait travailler autant à la
livraison que dans l'entrepôt de l'entreprise à compter du surlendemain.
Sa jeune soeur
n'était pas moins contente à la pensée de l'été qui l'attendait. Elle avait échappé
à l'obligation de retourner travailler à l'hospice Gamelin de la rue Dufresne
grâce à la mère d'une copine d'école qui avait joué de son influence pour la
faire engager, avec sa fille, chez Carrière, rue Notre-Dame. Elle allait
travailler beaucoup moins d'heures pour un meilleur salaire.
Au moment où
Richard venait de persuader Gilles d'aller jouer à la balle avec ses copains
dans la grande cour, les premières gouttes de pluie se mirent à tomber. Les
deux adolescents, dépités, durent se résigner à aller s'asseoir sur le balcon,
en compagnie de leur père.
- Maudit que
c'est plate quand il mouille! ne put s'empêcher de se plaindre Richard en
regardant la pluie redoubler d'intensité.
- Plains-toi pas,
lui conseilla son père. Il va faire plus frais après et on va mieux dormir.
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Un peu avant huit
heures, le père de famille rentra dans la maison et alluma la radio. Ses deux
filles lisaient dans la cuisine. Il s'installa confortablement dans sa chaise
berçante, un cendrier à portée de la main, prêt à écouter le long reportage de
Radio-Canada consacré aux résultats de l'élection provinciale.
Quelques minutes
plus tard, les bureaux de vote venaient à peine de fermer que Roger Baulu
donnait les premiers décomptes des boîtes de scrutin qu'on commençait à peine à
dépouiller. Évidemment, comme lors des élections précédentes, le premier
ministre Maurice Duplessis fut le premier élu dans la province avec une
confortable avance sur son adversaire libéral. En entendant la nouvelle un peu
après neuf heures, Gérard Morin ne put retenir un sourire de satisfaction.
Lorsque Laurette
fit irruption dans la cuisine vers dix heures trente, l'Union nationale
comptait
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