Le retour
fatiguée et n'aspirait qu'au repos. Elle retrouva Carole en
train de dresser le couvert.
- Bonyeu qu'il
fait chaud! dit-elle en retirant ses souliers après s'être laissée tomber dans
sa chaise berçante.
C'est écoeurant
comme j'ai les pieds enflés. Où sont les autres? demanda-t-elle à sa fille en
s'épongeant le front avec un large mouchoir tiré d'une poche de sa robe
fleurie.
- Gilles étudie
dans sa chambre. Jean-Louis et Denise sont pas encore arrivés. Richard vient de
partir pour aller poser des pancartes. P'pa est couché dans la chambre.
- As-tu fait
chauffer les macaronis?
- Oui, m'man. Ça
va être prêt dans pas longtemps.
- C'est correct.
Je vais aller me changer et réveiller ton père pour qu'il vienne souper,
annonça Laurette en se levant avec effort.
La mère de
famille se dirigea vers sa chambre à coucher.
En ouvrant la
porte, elle trouva la pièce plongée dans la pénombre parce que son mari avait
fermé les persiennes.
Il était étendu
tout habillé sur le lit. Elle retira sa robe et prit une robe d'intérieur
suspendue à un clou, derrière la porte. Gérard ouvrit les yeux au moment où
elle enfilait sa robe.
- Viens-tu juste
d'arriver? lui demanda-t-il en s'assoyant.
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- Oui. Et toi?
- Je suis arrivé
vers quatre heures.
- As-tu trouvé
quelque chose?
- Pantoute.
Il y eut un bref
silence dans la pièce avant que Gérard reprenne la parole.
- Je suis allé
voir le docteur Miron au commencement de l'après-midi.
Laurette, qui
avait déjà une main sur la poignée de la porte, s'immobilisa immédiatement.
Elle connaissait bien son mari et savait à quel point il avait horreur des
médecins.
Il devait y avoir
quelque chose de grave pour qu'il se soit décidé à aller en voir un.
- Comment ça se
fait? Qu'est-ce qu'il y a? demandât-
elle, alarmée.
- Whow!
Énerve-toi pas! lui ordonna son mari. Je suis pas encore mort. Quand je suis
sorti de Saint-Joseph, le docteur Laramée m'a pris un rendez-vous et m'a obligé
à aller voir le docteur Miron aujourd'hui.
- Comment ça se
fait que tu m'en as pas parlé? fît-elle sur un ton plein de reproche.
- Ça aurait
changé quoi que je te le dise?
- Moi, des
maudites cachettes, tu sais que j'haïs ça!
Gérard ne dit
rien.
- Puis? Qu'est-ce
qu'il a dit, le docteur? reprit-elle.
Gérard hésita un
bref moment avant de révéler le diagnostic du médecin à sa femme.
- Il m'a mis au
repos forcé jusqu'au mois de septembre, dit-il dans un souffle.
- C'est pas vrai!
ne put s'empêcher de s'exclamer Laurette. Pourquoi?
- Il dit que j'ai
déjà perdu dix livres depuis que je suis sorti de Saint-Joseph et que si je me
repose pas trois mois, je vais y retourner.
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- Maudite vie de
chien! s'écria Laurette, au comble du découragement. C'est pas vrai! Veux-tu
ben me dire ce qu'on a fait au bon Dieu pour que tout nous tombe toujours sur
la tête! Bout de viarge! Il y aura jamais moyen de s'en sortir!
- Prends pas le
mors aux dents! Je pense que je vais continuer pareil à me chercher de
l'ouvrage, lui annonça Gérard pour la calmer. Je vais ben finir par trouver
quelque chose. Il arrivera ce qui arrivera.
Laurette vint
s'asseoir à ses côtés sur le lit et eut besoin d'un long moment pour assimiler
ce qu'elle venait d'apprendre. Il était bien fini son rêve de passer l'été à la
maison à vaquer tranquillement à ses tâches ménagères.
Son espoir de
quitter Viau d'un jour à l'autre venait d'en prendre un sérieux coup. Elle
allait devoir continuer à travailler jusqu'à l'automne avant d'envoyer promener
Maxime Gendron. Aurait-elle un jour la chance de son bord? Tout semblait se
liguer contre elle depuis que Gérard était tombé malade. Elle en aurait crié de
rage et de dépit.
Elle prit une
grande respiration et fit un effort colossal pour faire taire sa frustration
avant de reprendre la parole.
- Il est pas
question que tu fasses ça. J'ai pas envie de revivre trois autres années comme
celles que je viens de passer. Non, merci! Tu vas te reposer et te remettre
d'aplomb. Je suis encore capable de travailler jusqu'à l'automne. J'en mourrai
pas. Avec la pension que les enfants nous donnent toutes les semaines, on va
continuer à arriver pareil.
- Je vais me
sentir pas mal sans-coeur de rester à rien faire comme un membre inutile, fit
son mari dans un
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