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Le retour

Le retour

Titel: Le retour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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travailler, dit Laurette avec humeur. On va crever toute la journée
en dedans.
     
    Elle jeta un coup
d'oeil à son mari. Deux semaines de repos l'avaient déjà métamorphosé. Il
semblait avoir repris
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    du poids et son
teint bronzé lui donnait l'air d'un homme en santé.
     
    Jean-Louis entra
à ce moment-là dans la cuisine. Le jeune homme tenait à la main ses articles de
toilette.
     
    - Vous êtes
chanceux, p'pa. Vous allez pouvoir aller voter quand vous allez le vouloir
aujourd'hui, fit-il remarquer à son père. Nous autres, on va être obligés
d'aller faire la file après notre journée d'ouvrage.
     
    - Toi, tu vas
peut-être aller attendre pour voter, intervint Laurette, mais pas moi. Si tu
t'imagines que je vais aller attendre une heure debout pour mettre un X sur un
bout de papier, tu te trompes. J'ai ben trop mal aux jambes après ma journée
d'ouvrage pour ça.
     
    - Ce sera juste
un vote de moins pour Duplessis, laissa tomber le jeune homme en remplissant un
bol à main avec le reste de l'eau chaude laissée par sa mère après avoir rempli
deux tasses de café.
     
    - C'est vrai.
T'as le droit de voter à cette heure, dit Gérard. J'avais oublié que t'es
majeur.
     
    - Denise aussi a
le droit, précisa Jean-Louis.
     
    - C'est pas parce
que t'as le droit de voter que t'es obligé de voter pour Lapalme, lui fit
remarquer son père.
     
    Il a pas une
maudite chance de gagner.
     
    - Ben. Je sais
pas trop encore pour qui voter, admit son aîné. D'après moi, Duplessis a fait
son temps, p'pa. Il est vieux et il a plus l'air de comprendre ce qui se passe.
     
    Son idée de nous
faire payer de l'impôt dans la province, c'est pas ben brillant.
     
    - Veux-tu ben me
dire où t'as trouvé ces idées-
    là, toi?
     
    - Il y a juste à
regarder ce qu'il fait, p'pa, se défendit son fils. Il fait surtout du bon pour
les cultivateurs, pas pour du monde comme nous autres, en ville. Quand il y a
des grèves, il prend toujours pour les boss. Regardez la
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    grève de la
Shawinigan Falls l'année passée. On dirait qu'il sait plus quoi faire. Moi, le
bonhomme, il me tape sur les nerfs. En plus, il paraît qu'il est à couteaux
tirés avec Drapeau et même avec le cardinal Léger.
     
    - Fie-toi pas à
tout ce qu'on raconte, le mit en garde son père. Duplessis est pas un fou. Il
nous protège contre les communistes.
     
    - Il arrête pas
de crier contre les témoins de Jéhovah, reprit Jean-Louis. À l'entendre, il y
en a partout. Moi, j'en n'ai jamais vu un dans le coin.
     
    - Bon. Vous allez
arrêter de parler de politique et on va déjeuner tranquilles, décréta Laurette
en déposant le vieux grille-pain à deux portes au milieu de la table. Toi,
    va donc te raser
si tu veux pas arriver en retard à l'ouvrage, ordonna-t-elle à son fils.
     
    Au moment où la
porte des toilettes se refermait sur Jean-Louis, Richard et Denise sortirent de
leur chambre à coucher respective. Denise tenait à la main une revue qu'elle
déposa près de sa mère, assise à table.
     
    - Tenez, m'man,
si ça vous intéresse. Il y a un beau portrait de Marilyn Monroe qui va se
marier la semaine prochaine avec Miller.
     
    - J'aime pas ben
ben cette blondasse-là, fit Laurette sur un ton dédaigneux après avoir jeté un
bref coup d'oeil au couple photographié à leur sortie d'une soirée. Elle sera
jamais aussi belle que Grâce Kelly, à ses noces, en janvier.
     
    - Tiens! T'as
lâché Elisabeth II, s'étonna son mari, narquois. Avant, il y avait juste elle.
     
    - Je l'ai pas
lâchée, tu sauras. Mais je trouve que Grâce Kelly est aussi belle qu'elle.
     
    - Si vous voulez
pas du portrait de Marilyn Monroe, m'man, moi, je le prendrais, dit Richard en
mettant deux tranches de pain dans le grille-pain.
     
    - Pour faire
quoi?
     
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    - Je le mettrais
sur le mur de ma chambre, déclara l'adolescent avec aplomb.
     
    - Laisse faire,
toi. Il y a déjà un crucifix et une grande image du Sacré-Coeur sur les murs de
ta chambre. C'est ben assez.
    - Peut-être, mais
c'est pas aussi beau, fît remarquer l'effronté.
     
    Cette dernière
remarque lui attira un tel regard courroucé de sa mère que Richard préféra se
taire et manger.
     
    Ce jour-là, même
s'il avait tout le temps voulu pour aller voter, Gérard Morin ne se présenta
pas au bureau de vote. S'il n'avait voté qu'en une seule occasion au début des
années 1940, c'était pour s'opposer à la conscription que le gouvernement
fédéral voulait imposer. Lors de

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