Le retour
revient
rester ici dedans, trancha Gérard qui n'avait rien dit depuis le début de
l'échange, il prendra ce qui restera. Un chien qui va à la chasse perd sa
place.
Laurette se tut
durant un long moment avant de laisser tomber:
- Faites donc ce
que vous voudrez.
Chapitre 14
Rien ne s'arrange
Les jours suivant
le départ de Jean-Louis, toute joie sembla avoir définitivement disparu chez
les Morin.
Laurette
attendait un appel téléphonique ou une visite de son fils qui ne venait pas.
Quand Richard apercevait les yeux rougis de sa mère, il ne pouvait s'empêcher
de rager contre son frère aîné.
- Attends que je
lui mette la main dessus, lui, ne cessait-il de répéter à Gilles, il va en
entendre parler, le grand maudit sans-coeur! Si je savais où il reste, j'irais
lui mettre ma main sur la gueule.
Il fallut
d'ailleurs que Gérard se fâche pour mettre fin à l'espèce de deuil qui avait
frappé sa famille.
- Là, ça va
faire! éclata-t-il quelques jours plus tard.
Bâtard, Laurette,
il y a personne de mort dans la famille!
Arrête de
brailler pour rien!
On aurait dit que
cet éclat avait fini par inciter la mère de famille à faire preuve de plus de
retenue, mais les siens sentaient tout de même qu'elle avait le coeur gros et
que sa peine était toujours aussi vive. Lorsqu'elle ne se sentait pas observée,
il arrivait souvent à la mère de famille de s'arrêter de travailler pour se
demander ce que son Jean-Louis faisait au même moment. Ce départ était pour
elle une blessure qui mettait beaucoup de temps à se cicatriser.
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Au milieu de la
seconde semaine du mois d'août, un mercredi soir, Pierre Crevier se planta
devant l'une des vitrines du magasin Woolworth de la rue Sainte-
Catherine.
Antoine Beaudry l'avait repéré depuis plusieurs minutes, mais il s'était bien
gardé de prévenir sa vendeuse de la présence de son amoureux à l'extérieur. Le
gérant ne tenait absolument pas à voir entrer le matamore dans son magasin pour
le menacer encore une fois. Retranché derrière sa caisse enregistreuse, Beaudry
se contenta de lorgner l'horloge murale, attendant que ses aiguilles indiquent
six heures pour libérer ses deux vendeuses.
Jacqueline Bégin
attrapa son sac à main et fît signe à Denise de l'imiter quand la grande
aiguille atteignit le douze.
- Vous pouvez y
aller, laissa tomber le petit quadragénaire ventru en s'approchant de la porte,
prêt à la verrouiller après la sortie de ses deux employées.
Ces dernières le
saluèrent et sortirent du magasin, heureuses que leur journée de travail ait
pris fin.
- Tiens. Ton
Pierre t'attend, lui dit Jacqueline Bégin en ne faisant rien pour cacher
l'admiration qu'elle éprouvait pour le jeune homme.
Denise, surprise
de découvrir son amoureux en train de l'attendre, s'avança vers lui. Le
dimanche précédent, il l'avait prévenue qu'il ne pourrait pas venir la voir
avant la fin de semaine suivante parce qu'il devait faire du temps
supplémentaire jusqu'à sept heures tous les jours.
- Qu'est-ce que tu
fais là? lui demanda Denise, heureuse de le voir. Tu travailles pas
aujourd'hui?
-'• Oui, mais
j'ai demandé de finir plus de bonne heure.
- Pourquoi?
T'étais malade?
350
- Non. Mon oncle
est venu m'avertir tout à l'heure que mon frère Jean, celui qui travaille sur
la terre avec mon père, a eu un accident.
- Qu'est-ce qui
lui est arrivé?
- Il paraît qu'il
a reçu un coup de pied de cheval en pleine tête.
- Il est pas...
- Non, il est pas
mort, mais il paraît qu'il en a pour un bon bout de temps à l'hôpital. Le
docteur a dit à mon père qu'il devrait rester à rien faire à la maison pendant
une semaine ou deux, après ça. Ça fait que j'ai demandé à mon boss s'il me
laisserait pas partir une couple de semaines pour aller aider mon père à faire
les récoltes. Je lui ai expliqué qu'il était rendu trop vieux pour faire ça
tout seul et que j'étais son seul garçon pas marié capable d'aller lui donner
un coup de main.
- T'as pas peur
de perdre ta job? lui demanda Denise, inquiète.
- C'est sûr que
j'irais pas chez nous s'il m'avait dit qu'il me reprendrait pas, avoua Pierre
en lui saisissant la main pour traverser la rue Sainte-Catherine, au coin de
Dufresne. Mais il m'a dit qu'il avait trop d'hommes ces temps-ci. Ça fait qu'il
va faire travailler un jeune à ma place en attendant que je
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