Le retour
revienne.
- Est-ce que ça
veut dire que tu t'en vas tout de suite?
fit Denise.
- Ben oui. Je
prends l'autobus Provincial après le souper. Je vais coucher chez un cousin à
Aima et je suis sûr qu'il va venir me reconduire à Saint-Léon demain, dans la
journée.
- Combien de
temps on se verra pas?
- Pas plus qu'un
mois, promit Pierre en serrant plus fortement la main de la jeune fille.
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- Je vais
m'ennuyer, avoua Denise, attristée à l'idée de ne pas le voir durant une si
longue période.
- Moi aussi,
admit Pierre, mais je peux vraiment pas faire autrement. Je peux pas laisser
mon vieux père pris tout seul avec la récolte à rentrer.
Les deux jeunes
gens marchèrent en silence jusqu'au coin de Fullum. En face du presbytère,
Pierre lâcha la main de son amie.
- Bon. J'ai pas
assez de temps pour te ramener jusqu'à chez vous. Il me reste à faire ma valise
et je dois manger un morceau avant d'aller au terminus prendre mon autobus.
- Tu vas me donner
des nouvelles? demanda Denise, en le regardant comme si c'était la dernière
fois qu'elle le voyait.
- Le plus vite
possible, affirma Pierre en déposant un léger baiser sur ses lèvres après avoir
regardé rapidement autour pour s'assurer de ne pas être vu.
L'air triste
arboré par sa fille à son retour à la maison n'échappa pas à Laurette.
- Bon! Qu'est-ce
qui se passe encore? lui demandât-
elle. T'es-tu
chicanée avec ton boss pour avoir cet air de chien battu?
- Ben non, m'man.
J'ai rien, protesta la jeune fille, l'air morose.
Mais à l'heure de
la vaisselle, le chat sortit du sac.
L'aînée de la
famille Morin raconta à sa mère le départ précipité de Pierre.
- Mon Dieu,
Denise, raisonne-toi un peu, la réprimanda sa mère. Il est juste parti donner
un coup de main à son père. C'est pas la fin du monde. Ça prouve en tout cas
que ton Pierre a un bon fond. Tout lâcher pour aller aider chez eux, ça veut
dire qu'il a le coeur à la bonne place... C'est pas lui qui partirait de la
maison sans rien dire, ajouta-t-elle, la larme à l'oeil.
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- C'est vrai,
m'man, s'empressa de reconnaître sa fille.
Mais vous allez
pas vous mettre encore à pleurer pour Jean-Louis. Ayez pas peur, il est à la
veille de revenir.
Ce soir-là,
Laurette s'apprêtait à sortir sa chaise berçante sur le trottoir pour
"prendre l'air", comme elle disait, quand on sonna à la porte
d'entrée.
- Va donc
répondre, Carole, ordonna-t-elle à l'adolescente en tendant son linge à
vaisselle mouillé à Denise qui s'apprêtait à aller étendre le sien sur la corde
à linge.
Un bruit de voix
en provenance du couloir l'incita à se précipiter vers l'étroit couloir où elle
retrouva ses belles-
soeurs Pauline et
Marie-Ange que sa fille venait d'inviter à entrer.
- Ma foi du bon
Dieu! s'exclama Laurette. Le ciel va ben nous tomber sur la tête. De la visite
en pleine semaine...
Pauline, la femme
d'Armand Brûlé, saisit le reproche implicite contenu dans l'exclamation de
l'hôtesse et s'empressa de préciser:
- On fait juste
arrêter cinq minutes, Laurette. On s'est dit qu'on te dirait un petit bonjour
en passant.
- Êtes-vous
toutes seules? demanda Gérard, debout de l'autre côté de la porte-moustiquaire.
Dès que ses deux
fils avaient quitté la maison pour aller assister à un match des Royaux au
stade De Lorimier, il était allé s'asseoir sur le balcon. Il aperçut alors
Maurice Dionne sortir de sa cour et se diriger vers la rue Archambault,
probablement dans l'intention d'aller acheter quelque chose à l'épicerie.
- On est avec Bernard,
répondit Marie-Ange. Pauline est venue faire un tour à la maison et on a décidé
de faire une marche parce qu'il fait pas trop chaud. Il s'est arrêté au petit
restaurant, en face. Il avait besoin de tabac.
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- Sortir de la
maison me fait du bien, admit Pauline.
Avec Armand qui
travaille toujours de nuit, je me sens poignée dans la maison avec les filles.
A soir, les filles passent la soirée avec leurs amies chez une voisine. J'en ai
profité pour aller faire un tour chez Marie-Ange.
- Venez vous
asseoir, les invita Laurette. Carole, prends la bouteille de cream soda dans le
frigidaire et sors les verres, ordonna-t-elle à sa fille au moment où Denise
rentrait dans la maison.
Gérard venait à
peine de se rasseoir dans sa chaise berçante, sur le balcon, quand il
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