Le retour

bas et viens te laver les pieds avant de nous empoisonner,
ajouta sa mère.
     
    Un moment plus
tard, Richard Morin apparut dans la cuisine, pieds nus. L'adolescent de seize
ans avait grandi de plusieurs pouces en trois ans, mais on ne pouvait dire que
le temps avait amélioré son apparence physique. On remarquait moins sa taille
légèrement supérieure à la moyenne et sa maigreur que ses oreilles décollées et
sa chevelure luisante de Brylcreem. Il arborait en permanence
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    un petit air
frondeur accentué par sa coiffure "banane", une sorte de rouleau
descendant assez bas sur le front.
     
    Ce vendredi soir
là, Richard portait une chemise largement déboutonnée dotée d'une poche sur le
bras, poche dans laquelle il rangeait son paquet de cigarettes.
     
    - Dépêche-toi à
aller mettre tes bas dans l'entrée de la cave, reprit sa mère en fronçant le
nez de dégoût après avoir senti le fumet dégagé par ses pieds.
     
    - Une mi...
minute, dit l'adolescent en entrant dans la salle des toilettes pour laver ses
pieds.
     
    Richard sortit
des toilettes un moment plus tard et ouvrit la porte voisine pour déposer ses
chaussettes sales dans un sac suspendu à l'arrière de la porte.
     
    - Est-ce que je
peux savoir d'où est-ce que tu sors, toi? l'apostropha sa mère. Il est presque
sept heures et demie.
     
    - Après l'ou...
l'ouvrage, je suis allé donner un coup de main à... à un des mes chums,
expliqua Richard.
     
    - T'arrives trop
tard pour souper, lui déclara sèchement sa mère en essuyant le comptoir.
     
    - C'est pas
grave. J'ai pas faim, pas faim pan...
     
    pantoute.
     
    - Je suppose que
t'es allé manger des hot-dogs en plein vendredi.
     
    -i- Non. J'ai pas
soupe.
     
    - Quel genre de
coup de main t'as donné à ton chum?
     
    - On a dé...
déménagé une fri... frigidaire et un poêle.
     
    Tout à coup,
Laurette sembla remarquer l'élocution embarrassée de son fils et se tourna vers
lui pour l'examiner.
     
    - Il y a pas un
rat qui va survivre à cette senteur-là, laissa tomber Jean-Louis en se levant
de table, l'air dégoûté.
     
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    - Tiens! Je... Je
t'avais pas vu, toi! s'exclama l'adolescent.
     
    Mais c'est mon
frè... mon frère préféré, ajouta-
    t-il en gloussant
bêtement.
     
    - Dis donc, toi,
l'apostropha sa mère. Approche donc ici, lui ordonna-t-elle en l'empoignant par
une épaule pour l'attirer vers elle.
     
    Elle renifla
l'haleine de son fils avant de le repousser.
     
    - Mais tu sens la
tonne à plein nez!
     
    - Pas... Pas tant
que ça, m'man, protesta l'adolescent.
     
    - T'as l'air
paqueté comme un oeuf! s'écria sa mère.
     
    Ah ben, j'aurai
tout vu, par exemple! Il manquait plus que ça. Un ivrogne dans la maison!
     
    - Exa... Exagérez
pas, m'man. Paquin m'a juste do...
     
    donné une bière
parce qu'on avait eu chaud en trans...
     
    transportant son
stock. Ça m'a do... donné mal à la tête, à part ça.
     
    - J'ai ben envie
de te sacrer une claque sur les oreilles pour t'apprendre à te soûler comme un
cochon, reprit sa mère en faisant un effort méritoire pour se contrôler tout en
le secouant un peu. Disparais de ma vue et va te coucher.
     
    Va cuver ta
bière, maudit ivrogne!
     
    - Je vous dis que
j'en ai bu juste... juste une, protesta l'adolescent.
     
    - Débarrasse-moi
le plancher!
     
    Richard quitta la
cuisine et entra dans la chambre qu'il partageait avec son frère Gilles. Depuis
la cuisine devenue silencieuse, on l'entendit se laisser tomber sur son lit.
     
    Jean-Louis
disparut dans sa chambre à son tour. La mère de famille venait d'allumer une
cigarette et semblait indécise sur ce qu'elle devait faire.
     
    - Lui, si son
père était dans la maison, il en mènerait pas mal moins large, je te le
garantis, fit Laurette, encore debout au centre de la pièce.
     
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    Carole alla
chercher son sac d'école dans sa chambre, s'assit à table et entreprit d'en
extraire cahiers et manuels.
     
    Sa mère se
dirigea vers le réfrigérateur sur lequel elle prit ses lunettes et s'assit dans
sa chaise berçante. Après avoir poussé un profond soupir, elle puisa dans le
panier d'osier déposé à ses côtés une chemise qu'elle se mit à repriser.
     
    Pendant plus
d'une heure, personne ne parla dans la cuisine.
     
    - Si ça a de
l'allure d'être soûl à cet âge-là. Avec tout ça, j'ai complètement oublié de
lui demander l'argent de sa pension. Il manquerait plus qu'il l'ait bu, le
petit bonyeu!
     
    Cette remarque de
sa mère révéla