Le retour

à la jeune fille que, durant tout ce temps, elle n'avait cessé
de penser à Richard.
     
    - Vous êtes sûre,
m'man, que vous voulez pas que je vous prépare un bon bain.
     
    - Envoyé donc!
accepta sa mère. Ça va peut-être me calmer.
     
    Sans perdre un
instant, la jeune fille alla remplir la bouilloire et une grande marmite d'eau
froide qu'elle déposa sur le poêle à huile. La nourrice en vitre transparente
installée sur le côté émit un glouglou. Quelques minutes plus tard, Carole
quitta précipitamment la table quand l'eau fut bouillante.
     
    - Fais attention
de pas t'ébouillanter, la mit en garde sa mère.
     
    - Ayez pas peur,
m'man, fît sa fille en s'emparant de la bouilloire fumante pour aller la vider
dans l'antique baignoire sur pattes installée dans la minuscule salle de bain.
     
    Elle répéta
l'opération avec la marmite avant de les remplir l'une et l'autre d'eau froide
et de les déposer à nouveau sur le poêle.
     
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    - Vous pouvez
vous préparer à prendre votre bain, m'man, dit-elle à sa mère. Dans cinq
minutes, l'eau va être prête. Ça va vous détendre.
     
    Lorsqu'elle vit
sa fille aller vider à nouveau la bouilloire et la marmite dans la baignoire
quelques instants plus tard, Laurette éteignit son mégot dans le cendrier
déposé au centre de la table et se dirigea vers sa chambre pour aller y prendre
sa robe de nuit et sa robe de chambre.
     
    - J'ai pas fait
couler d'eau froide dans votre bain, m'man, la prévint sa fille. Faites
attention de pas vous brûler.
     
    Sa mère lui
répondit par un signe de tête avant de s'enfermer dans la salle de bain. Un
court moment plus tard, un robinet fut ouvert. On entendit le bruit de l'eau
coulant pendant quelques secondes, suivi du bruit que fit Laurette en prenant
place dans sa baignoire, sa peau couinant sur la paroi du bain, un peu d'eau
éclaboussant la céramique. Carole alluma la radio. A Radio-Canada, un critique
faisait l'éloge de Moby Dick qu'il qualifiait de film de l'année. Elle
s'empressa de syntoniser CKVL et aussitôt la voix de Luis Mariano emplit la
pièce.
     
    - Baisse la
radio, lui ordonna Jean-Louis, apparaissant soudain dans l'entrée de la pièce.
     
    - C'est Mexico,
dit Carole, ravie par cette chanson à la mode depuis quelques semaines.
     
    - Puis après?
Baisse le son! Tu vas déranger les Gravel, en haut.
     
    Elle baissa le
son et demeura près du vieil appareil RCA Victor installé sur une tablette, à
gauche du réfrigérateur, pour mieux entendre sa chanson préférée.
     
    Quelques minutes
plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit pour livrer passage à Denise, l'aînée de
la famille. Avant que la porte ne fût refermée, Carole perçut la voix de Gilles
en arrière-plan. Son frère parlait fort pour se faire
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    entendre malgré
le bruit d'un moteur. Elle se précipita dans le couloir pour voir à qui il
parlait.
     
    - T'es donc ben
fouine, lui dit Denise en suspendant son manteau de printemps à un crochet.
     
    La jeune vendeuse
de chez Woolworth n'avait guère changé avec les années. A vingt-deux ans, elle
avait toujours cette taille élancée et ce visage aux traits réguliers mis en
valeur par une épaisse chevelure brune coiffée en queue de cheval.
     
    - C'est pas un
crime, répliqua la cadette. Je voulais juste voir à qui Gilles parlait.
     
    - Il parle au
gars avec qui il livre des meubles chez Living Room. Us m'ont vue quand je suis
sortie du magasin et ils m'ont embarquée.
     
    - Il a l'air de
quoi ce gars-là?
     
    - Excite-toi pas
pour rien. C'est un vieux d'au moins trente-cinq ans. Où est m'man?
     
    - Dans le bain.
     
    - Un vendredi
soir? s'étonna Denise.
     
    - Puis après, fit
l'autre. C'est pas défendu de prendre un bain dans la semaine.
     
    Denise ne se
donna pas la peine de lui répondre et entra dans la cuisine.
     
    - Si tu veux
manger quelque chose, proposa Carole, il reste de la sauce aux oeufs.
     
    - J'ai pas faim,
refusa Denise en ouvrant tout de même la porte du réfrigérateur pour en sortir
une bouteille de Kik Cola dont elle se versa un grand verre.
     
    Au même moment,
Gilles entra dans la maison. L'étudiant de dix-sept ans concédait peut-être
quelques pouces à ses frères Jean-Louis et Richard, mais il était beaucoup plus
râblé qu'eux. Son visage rond et souriant était éclairé par des yeux noisette.
     
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    - Puis la grande,
comment t'as aimé ça faire un tour de truck? demanda-1-il à Denise en venant
ouvrir la porte du