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Le retour

Le retour

Titel: Le retour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Beaulieu
buta légèrement contre le trottoir avant de parvenir à y poser le pied. Puis,
ayant rétabli son équilibre un instant précaire, il reprit sa progression vers
sa porte. Laurette lui tournait le dos, sa chaise berçante parallèle au mur de
la maison. Elle vérifia d'un coup d'oeil qu'elle laissait largement de la place
au passage du voisin.
     
    Au moment où elle
allait tourner la tête pour savoir ce qui retardait tant le voisin dans sa
progression, quelque chose heurta l'arrière de sa chaise berçante, la faisant
violemment sursauter.
     
    - Voyons,
calvaire! jura l'ivrogne qui venait d'accrocher la chaise de la voisine. Quand
on est grosse comme un truck, on se parque pas sur le trottoir. On s'installe
dans la rue.
     
    Sous l'insulte,
Laurette se leva si brusquement de sa chaise que son large postérieur demeura
prisonnier un bref instant entre les deux accoudoirs. Elle repoussa la chaise
d'un geste impatient avant d'aller se planter à moins d'un pied devant l'homme,
les deux mains sur les hanches.
     
    - Quoi? Répète-moi
donc ce que tu viens de me dire, toi, ordonna-t-elle d'une voix de stentor.
     
    Immédiatement,
les adolescents groupés devant chez Paré s'arrêtèrent de parler et
s'approchèrent de la scène, persuadés qu'ils allaient assister à une belle
bagarre.
     
    Laurette
dépassait Vital Beaulieu d'une demi-tête et avait le double de sa largeur.
     
    Sous l'apostrophe
brutale, le voisin recula d'abord d'un pas, mais son caractère vindicatif,
renforci par tout l'alcool qu'il avait ingurgité à la taverne, lui donna le courage
de répliquer.
     
    - J'ai dit que
quand on était trop grosse pour se parquer sur le trottoir, on se mettait dans
la rue, calvaire!
     
    362
     
    - Ah ben, mon
maudit effronté! s'exclama Laurette en le repoussant brutalement contre la
porte qui menait à l'escalier intérieur de son appartement. Je vais te montrer
à vivre, moi!
     
    Un peu étourdi
par le choc, Vital Beaulieu se redressa juste à temps pour voir apparaître sous
son nez un poing de belle taille. Devant la masse qui le menaçait, il sembla
perdre tout à coup toute sa superbe et ne fît pas un geste pour repousser son
agresseur.
     
    - Écoute-moi ben,
le brochet! l'apostropha Laurette à tue-tête. Moi, je suis pas ta femme. Tu
viendras pas me crier après et me dire des bêtises en pleine rue devant tout le
monde. Tu m'entends? Je me sacre pas mal que tu boives comme un trou, même si
les ivrognes me puent au nez.
     
    Mais si jamais tu
reviens me traiter de grosse, je t'étripe, aussi vrai que je suis là. À cette
heure, monte donc chez vous. J'ai assez vu ta face de rat.
     
    Rose Beaulieu qui
avait probablement assisté à toute la scène, dissimulée derrière les persiennes
de sa fenêtre de chambre à coucher, ne fit pas un geste pour défendre son mari.
Elle entendit son mari déverrouiller la porte au pied de l'escalier intérieur
et monter lourdement à l'étage. Elle se précipita vers le balcon arrière et s'y
assit.
     
    Pendant ce temps,
les jeunes, déçus de voir qu'il n'y aurait pas de bagarre, étaient retournés
s'appuyer contre la vitrine chez Paré pour reprendre leur conversation.
     
    Plusieurs éclairs
zébrèrent soudain le ciel plombé et les premières gouttes de pluie se mirent à
tomber lourdement sur l'asphalte. Laurette, un peu essoufflée par son
esclandre, s'apprêtait à retourner s'asseoir dans sa chaise berçante. Elle
saisit sa chaise, la replia et la déposa dans le couloir.
     
    A peine
venait-elle de pénétrer dans la cuisine, qu'elle entendit des éclats de voix
venant du balcon des Beaulieu.
     
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    - As-tu entendu
la maudite folle d'en-bas? entendit-
    elle Vital Beaulieu
demander à sa femme. Elle est bonne à enfermer, la bonne femme! ajouta-t-il
d'une voix avinée.
     
    - Non. J'étais
sur le balcon. J'ai rien entendu, mentit sa femme.
     
    - Elle bloque
tout le trottoir avec sa Christ de chaise et en plus elle m'engueule comme du
poisson pourri, la malade!
     
    Rose Beaulieu ne
dit rien.
     
    - Naturellement,
toi, tu sers à rien, sacrament!
     
    s'emporta
l'ivrogne. Tu vois rien. T'entends rien. T'es juste bonne à dépenser ma paye.
     
    Sa femme continua
à se taire.
     
    - J'espère que
t'as pensé au moins à me rapporter de la bière, ajouta-t-il.
     
    - Dans le
frigidaire.
     
    Il y eut un bruit
de porte-moustiquaire violemment rabattue et le silence revint. Laurette sortit
sur le balcon arrière et s'y assit sans faire de

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