Le retour
même comment on va faire pour arriver cet hiver avec la pension
de Jean-Louis en moins.
- Il reste tout
de même ton salaire et les pensions de Richard et de Denise, lui fit remarquer
Gérard.
- C'est pas assez
pour tout payer, tu sauras. Ton salaire sera pas de trop...
Le silence
retomba dans la cuisine où Laurette était occupée à fabriquer sa provision de
cigarettes pour la semaine à venir.
La mère de
famille était inquiète. Depuis la fin du mois d'août, elle attendait un signe
que son mari allait bientôt se chercher un emploi. Rien. Gérard n'avait pas
l'air d'être pressé de se mettre au travail et cela commençait à l'énerver
sérieusement.
Il allait encore
chaque jour se réfugier au parc Lafontaine d'où il ne revenait qu'à la fin de
l'après-midi, comme s'il ne se souciait que de son bronzage. Peu à peu, la
pression montait en elle et elle était sur le point d'exploser.
"Bout de
viarge! S'il se réveille pas tout seul, je vais le réveiller, moi! se
répétait-elle depuis quelques jours. Je suis tout de même pas pour l'entretenir
à rien faire jusqu'à la fin de ses jours. Il est plus malade pantoute et moi,
je me crève à l'ouvrage pendant que monsieur se repose. Il attend tout de même
pas la première tempête de neige pour se mettre à se chercher une job,
j'espère! " Cependant, Laurette s'énervait bien inutilement. Elle n'eut
pas à intervenir pour que son mari se décide enfin à
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bouger. Le
lendemain de la fête du Travail, Gérard Morin se présenta au bureau du docteur
Miron, comme il avait été prévu au mois de juin précédent.
Le médecin
l'examina sommairement avant de déclarer:
- Tout est
correct, monsieur Morin. Vous m'avez l'air totalement guéri. Vous pouvez
retourner au travail sans aucun problème.
Le père de
famille revint lentement à la maison en arborant une mine préoccupée. Le
diagnostic du praticien ne l'avait pas surpris, mais il était un peu déçu
d'avoir à reprendre aussi tôt le collier. Il n'avait aucune envie de
recommencer à essuyer des rebuffades, jour après jour, en demandant un emploi.
À dire vrai, même s'il n'osait pas se l'avouer, il avait perdu le goût du
travail. Trois ans et demi à ne rien faire avaient laissé des traces. Il se
sentait comme le prisonnier un instant libéré qui retrouve son cachot avec peu
d'espoir de jouir encore un jour de la liberté dont il avait si peu profité.
Les belles journées occupées à flâner au parc Lafontaine étaient finies.
Il eut même la
tentation d'attendre encore une semaine ou deux avant de se lancer dans la
recherche d'un travail.
Il faisait encore
beau et septembre réservait souvent de belles journées douces. Heureusement, il
eut honte de lui quand il vit revenir les siens, les uns après les autres,
d'une journée de travail bien remplie.
Le père de
famille attendit l'heure du souper pour annoncer:
- Je suis allé
voir le docteur Miron à matin. Je suis correct. Demain, je recommence à me
chercher une job.
Laurette cessa de
manger et le regarda un long moment, le visage illuminé par un large sourire. A
la vue de l'air satisfait de sa femme, il comprit qu'elle attendait cette
nouvelle depuis longtemps.
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- Moi, je suis
dans la classe d'un frère sévère, dit Gilles, quelques minutes plus tard. Il a
l'air bête comme ses pieds et on va être mieux de fermer notre boîte durant ses
cours.
- Jamais je
croirai qu'il sera pas obligé de vous piocher dessus pour vous faire fermer la
trappe, lui fît remarquer sa mère. Bonyeu! à l'âge que vous avez, j'espère que
vous savez que vous êtes là pour apprendre, pas pour niaiser.
- Moi, j'ai soeur
Adélard, intervint Carole, sans trop d'enthousiasme. L'année va être plate avec
elle.
- Si elle est
trop plate pour toi, ma fille, lui fit remarquer sa mère d'une voix cassante,
t'as juste à lâcher l'école et à te trouver de l'ouvrage. C'est toi qui veux
devenir secrétaire. Il y a personne qui te tord un bras pour aller à l'école.
- Je le sais,
m'man, dit l'adolescente, l'air maussade.
- A part ça,
rappelle-toi ce que je t'ai déjà dit. Organise-
toi pas pour que
je te poigne avec un gars sur la rue. Tu vas à l'école pour étudier, pas pour
te faire un chum.
- Ben oui, m'man,
fit Carole sur un ton légèrement exaspéré.
- J'aurais pu
continuer à aller à l'école, moi aussi, fit Richard en repoussant une mèche
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