Le retour
oui ou pour un non.
- C'est sûr,
monsieur, affirma Gérard, transfiguré par l'espoir d'avoir enfin trouvé un
travail.
Il était comme
hypnotisé sur sa chaise, incapable de s'empêcher de sourire.
- C'est bien
payé, monsieur Morin, reprit le directeur du personnel avec un sourire
engageant. La compagnie donne cinquante piastres par semaine pour six jours
d'ouvrage. Vous avez une nuit de congé, celle du samedi.
Est-ce que ça
vous intéresse?
- C'est parfait,
dit Gérard en ne parvenant pas à cacher son enthousiasme.
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- Quand je dis
"ouvrage", il faut s'entendre. Tout ce que vous avez à faire, c'est
de faire la tournée de l'usine et des bureaux une fois par heure pour vous
assurer que tout est en ordre. Vous devez puncher à six places pour prouver que
vous faites bien vos rondes et c'est tout. Cependant, je vous avertis tout de
suite, il faut que ces rondes-là soient faites, et bien faites. La sécurité
d'Elroy dépend uniquement de vous durant la nuit. Si vous faites pas le
travail, j'aurai pas le choix de vous mettre à la porte. Est-ce que je me suis
fait bien comprendre?
- C'est ben
correct.
- Vos heures sont
de six heures du soir à six heures du
matin.
- Parfait. Quand
est-ce que je commence? demanda Gérard, tout feu, tout flamme.
- À soir si vous
voulez la job. Arrivez donc vers cinq heures pour que j'aie le temps de vous
montrer ce que vous devez surtout vérifier et les endroits où vous devrez
puncher.
Là-dessus, Henri
Boileau se leva et lui tendit une main que Gérard s'empressa de serrer avec
effusion tant il était heureux.
Il rentra chez
lui, euphorique. Il allait enfin retrouver une vie normale. A son retour à la
maison, son excitation retomba un peu quand il se rendit compte qu'il ne
pouvait communiquer sa joie à aucun des siens. Gilles et Carole mangeaient à
l'école et rentreraient trop tard pour pouvoir apprendre la bonne nouvelle.
Denise, Richard et Laurette ne reviendraient à la maison qu'après son départ
pour son nouveau travail. Il se contenta donc de laisser un mot à sa femme, sur
la table de cuisine, avant de se confectionner des sandwichs pour son souper.
Il attendit ensuite trois heures avec une impatience croissante avant de
retourner chez Elroy.
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Il arriva à la
compagnie bien avant quatre heures, ce que le directeur du personnel sembla
trouver de bon augure. Henri Boileau le fit attendre quelques minutes avant de
lui montrer la petite pièce qui allait lui servir de bureau. Son unique fenêtre
s'ouvrait sur la rue Sicard. Elle était dotée d'une vieille radio RCA Victor,
d'un petit réfrigérateur, d'une table tout éraflée, de deux chaises en bois et
d'un petit poêle électrique à deux ronds.
- C'est votre
coin, déclara Boileau. Vous le partagez avec le gardien de jour. Vous pouvez
laisser vos affaires ici.
Prenez le punch
accroché derrière la porte, je vais vous montrer ce que vous devez vérifier à
chaque heure et où vous devez puncher.
Henri Boileau
entraîna Gérard dans une tournée de l'usine qui les conduisit à vérifier la
fermeture de cinq portes qui communiquaient avec l'extérieur et de la porte
ouvrant sur les bureaux de la compagnie. L'horloge enfermée dans son étui en cuir
que le patron appelait un punch était munie d'une fente dans laquelle il devait
introduire une clé suspendue au bout d'une chaînette près de chacune des
portes. Gérard supposa que chacune de ces clés portait un code spécifique.
- Si vous oubliez
une porte à un moment donné, on va le savoir tout de suite, monsieur Morin, lui
expliqua Henri Boileau. C'est important de bien ouvrir l'oeil durant votre
tournée qui ne vous prendra que dix minutes, au plus.
- Pas de
problème, monsieur.
- Demain matin,
Ronald Bilodeau, notre gardien de jour, va venir vous relever à six heures.
Vous pouvez avoir confiance, il est toujours à l'heure. Venez. Je vais vous le
présenter.
Le directeur du
personnel le ramena à son bureau devant lequel un homme à demi chauve âgé d'une
cinquantaine d'années attendait.
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- Je vous
présente monsieur Bilodeau, fit Henri Boileau. Il est avec nous depuis plus de
vingt ans.
Gérard sourit et
serra la main du gardien de jour.
- Bonjour,
monsieur le directeur. Bienvenue chez Elroy, dit-il à Gérard en arborant un
sourire sympathique.
Je te revois tout
à l'heure. Je dois aller faire ma dernière ronde, ajouta-t-il
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