Le retour
reprit Rosaire. Tu vas comprendre.
Depuis une semaine, ta soeur a remarqué que ta mère était pire que d'habitude.
Elle avait l'air perdue et faisait des affaires qu'elle avait jamais fait.
- Par exemple?
demanda Laurette, intriguée.
- Cacher du
manger dans ses tiroirs, pas être capable de s'arrêter de frotter, plus savoir
où se trouvait la vaisselle, répondit sa belle-soeur. Elle avait même commencé
à se promener dans la maison pendant la nuit.
- Bon. C'est pour
ça que vous l'avez amenée à l'hôpital?
demanda Gérard.
- Non, reprit
Rosaire. T'as vu la tempête qu'on a eue hier. Moi, je suis revenu du garage
vers neuf heures.
Quand je suis
rentré, ta mère était déjà couchée. Tu la connais, elle se couche jamais plus
tard que huit heures, huit heures et demie. J'ai mangé un morceau et à onze
heures, on s'est couchés, nous autres aussi. À un moment donné, vers minuit, ta
soeur a entendu la porte d'entrée se fermer. Elle a cru avoir rêvé et elle
s'est rendormie. Elle a peut-être dormi une dizaine de minutes et...
- Je me suis
réveillée en sursaut en me rappelant ce bruit-là et j'ai tout de suite pensé à
m'man, reprit Colombe.
Je me suis
dépêchée d'aller voir dans sa chambre: elle était pas là. J'ai pensé qu'elle
pouvait être aux toilettes. Je suis allée voir. Elle était pas là non plus. Là,
j'ai eu peur. J'ai
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crié à Rosaire de
se lever. Elle était pas nulle part dans l'appartement.
- Je te dis qu'on
s'est dépêchés de s'habiller. On est sortis dehors. Il neigeait à plein ciel et
on voyait pas à trois pieds en avant de nous autres, précisa Rosaire.
- Pendant que
Rosaire déneigeait l'auto, je suis partie vers le boulevard Pie IX en essayant
de voir des pistes dans la neige, fit Colombe, des trémolos dans la voix. Je
voyais rien. Il neigeait trop.
- Moi, j'ai fini
par la rejoindre avec le char. J'allais lui crier de monter quand je l'ai vue
s'arrêter et s'en aller en courant vers un escalier. J'ai laissé le char au
milieu de la rue et je l'ai rejointe.
- M'man était
assise sur une marche, en jaquette et en pantoufles, dit Colombe, des larmes
dans la voix. Elle était complètement gelée.
- Elle déparlait,
fit Rosaire. Elle arrêtait pas de répéter qu'elle attendait son mari, qu'il
allait finir par arriver.
- Mon Dieu! Si ça
a du bon sens! s'exclama Laurette, horrifiée par le récit qu'elle venait d'entendre.
Elle avait beau
n'avoir jamais beaucoup aimé sa belle-
mère, il restait
tout de même qu'elle ne lui souhaitait pas une telle mésaventure.
- C'est pas
croyable! renchérit Gérard. Qu'est-ce que vous avez fait?
- Même si elle
voulait pas pantoute nous suivre, je l'ai embarquée de force dans le char et on
l'a ramenée à la maison, expliqua le marchand d'autos.
- On lui a fait
boire du cognac et on l'a couchée, poursuivit Colombe. Pas nécessaire de te
dire qu'on n'a pas dormi de la nuit après ça. On avait bien trop peur qu'elle
recommence.
-.Vers cinq
heures, Colombe est entrée dans sa chambre pour voir si tout était correct, dit
Rosaire à
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Gérard. Ta mère
avait l'air d'étouffer et elle était brûlante de fièvre.
- On a fait venir
une ambulance qui l'a transportée à Notre-Dame.
- On vient juste
de sortir de là, précisa Rosaire en jetant un coup d'oeil à sa montre.
- Puis, qu'est-ce
qu'elle a? demanda Gérard, de plus en plus inquiet.
- Le docteur a
dit qu'elle a une bonne pneumonie, répondit Colombe.
- Elle va s'en
sortir, ajouta son mari. Il a dit qu'elle était faite forte.
- C'est pour ça
qu'on s'est arrêtés chez vous, ajouta Colombe en adressant à son mari un coup
d'oeil d'avertissement.
- Je vais passer
la voir à l'hôpital après le dîner, dit Gérard.
- Bon. Il y a
aussi autre chose, commença Rosaire Nadeau d'une voix un peu embarrassée.
- Quoi? demanda
Laurette.
- Quand la
belle-mère va sortir de l'hôpital, on pourra pas la reprendre à la maison. Pas
comme elle est là.
- Voyons donc,
protesta Gérard. Une fois guérie, m'man va être comme avant.
- Non. C'est ça
le problème. On a raconté au docteur ce qui était arrivé. Il dit que ta mère a
commencé à retomber en enfance. Quand elle va être guérie de sa pneumonie, elle
sera plus comme avant. Elle va en perdre un peu plus tous les jours.
- Et moi, Gérard,
je peux pas rester emprisonnée
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