Le retour

minutes de jeu suivantes et à
chaque occasion, Gilles et Richard furent incapables de modérer leurs
transports d'enthousiasme.
     
    La tension monta
d'un cran dans la cuisine quand les Red Wings se mirent à attaquer furieusement
au début de la troisième période. Cependant, un autre but de Jean Béliveau à
quelques minutes de la fin du match rassura les partisans du Canadien. Quand la
sirène annonça la fin de la partie, les deux frères, fous de joie, se mirent à
trépigner.
     
    - Bon. Ça va
faire, déclara leur mère en déposant son tricot sur le bord de la fenêtre.
Attendez pas de passer à travers le plancher pour vous calmer les nerfs.
     
    - Mais m'man, on
vient de gagner, s'écria Richard.
     
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    - Puis après!
laissa tomber sa mère. Ça en fait toute une affaire.
     
    - Ben oui, m'man,
on a gagné la Coupe!
     
    - Bon, là, il est
presque onze heures. Dépêchez-vous de manger quelque chose avant d'aller vous
coucher, si vous avez faim. Traînez pas. Demain matin, vous serez pas levables
pour aller à la messe.
     
    Les deux garçons
comprirent ce que cela signifiait.
     
    C'était un rappel
que minuit était l'heure limite pour manger quelque chose s'ils désiraient
aller communier à la messe du dimanche matin.
     
    - Traînez pas
trop longtemps debout et lavez votre vaisselle, leur ordonna-t-elle avant de
prendre la direction de sa chambre à coucher. Il faut se lever de bonne heure
demain matin.
     
    - Est-ce qu'on
éteint le poêle? lui demanda Gilles.
     
    - C'est aussi
ben. Ça sert à rien de gaspiller de l'huile quand il fait doux.
     
    Des "bonne
nuit, m'man" la saluèrent au moment où elle disparaissait dans le couloir.
     
    Pendant quelques
minutes, la mère de famille entendit ses deux fils demeurés dans la cuisine
pour une collation.
     
    Peu à peu, les
voix se turent. Il y eut un appel à l'extérieur, non loin de la fenêtre de sa
chambre à coucher. À l'étage, les voix de Charles et d'Emma Gravel lui
parvinrent sous la forme de murmures. Il y eut des grincements de sommier, puis
plus rien.
     
    Étendue seule
dans son grand lit, les yeux ouverts dans le noir, Laurette se sentait si
fatiguée que le sommeil la fuyait. Si Gérard pouvait revenir, tout allait
rentrer dans l'ordre et elle connaîtrait à nouveau une vie normale. Elle ne
serait plus obligée de courir comme une folle, sept jours sur sept, pour
arriver à faire tout ce qu'elle avait à faire. De plus, ce n'était pas une vie
que d'avoir à se cacher
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UN SAMEDI BIEN
REMPLI pour ne pas avoir à répondre aux questions gênantes des voisins.
     
    - Bonyeu! C'est
tout de même pas un crime que d'être au sanatorium! jura-t-elle à mi-voix dans
le noir.
     
    Depuis le départ
de Gérard pour Saint-Joseph en avril
    1953, elle avait
entretenu, tant bien que mal, la légende d'un mari malade du coeur pour que sa
famille ne soit pas ostracisée dans le quartier. Par chance, elle avait pu
compter sur la discrétion sans faille d'Emma Gravel, la seule au courant de la
tuberculose de son Gérard. Laurette n'était pas stupide. Elle savait bien que
les voisines parlaient dans son dos et ne se gênaient pas pour colporter que
son mari l'avait plantée là pour une autre femme. Elle se montrait stoïque et
endurait ces commérages avec l'espoir de les faire rentrer bientôt de force
dans la gorge des coupables.
     
    Il fallait que
Gérard sorte bientôt. Elle ne se sentait pas la force de passer les soirées
d'un quatrième été cachée sur le balcon arrière pour ne pas avoir à donner des
explications embarrassées aux voisins sur son absence prolongée.
     
    Elle voulait
lâcher Viau et ne plus s'occuper que de son foyer. Elle désirait surtout
reprendre sa vie d'autrefois.
     
    Laurette glissa
une main sous son oreiller à la recherche de son chapelet. Lorsqu'elle le
sentit au bout de ses doigts, elle le ramena à elle et décida de le réciter
autant pour trouver le sommeil que pour que la Vierge l'aide à réaliser son
voeu le plus cher.
     
    Chapitre 3
    Un drôle de
dimanche
    Il était plus de
sept heures quand Laurette ouvrit un oeil, étonnée d'entendre des bruits en
provenance de la cuisine alors qu'il faisait encore si sombre. Elle dut faire
un réel effort pour rejeter ses couvertures et poser ses pieds sur le linoléum
froid du parquet. Sans se pencher, elle chaussa ses vieilles pantoufles roses.
     
    Dès l'ouverture
de la porte de sa chambre à coucher, elle se rendit compte qu'il faisait clair
à