Le retour
Pourquoi tu lâches?
- C'est pas elle
qui l'a décidé, intervint sa mère sur un ton tranchant, c'est moi.
- C'est une bonne
idée, m'man, approuva Jean-Louis en étalant une épaisse couche de beurre
d'arachide sur une tranche de pain. À quinze ans, elle est capable d'aller
travailler et de gagner un peu d'argent.
Richard vit des
larmes couler sur les joues de sa jeune soeur.
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- Toi,
monsieur-la-cenne, tu ferais ben mieux de t'étouffer! l'apostropha Richard,
furieux. Aussitôt que quelqu'un parle d'argent, t'en vois plus clair.
- Maudit tata! se
contenta de répliquer son aîné avant de mordre dans sa tartine.
- M'man, si c'est
une question d'argent, je peux vous donner tout ce que mon oncle Rosaire me
donne le samedi.
Moi, j'ai arrêté
d'aller à l'école parce que j'aimais pas ça et j'étais pas bon. Mais c'est pas
la même chose pour Carole, plaida-t-il. Elle a des bonnes notes.
- Ses notes sont
même meilleures que les miennes, intervint Gilles.
- Si vous trouvez
qu'elle peut pas vous aider assez à la maison en allant à l'école, je peux
peut-être essayer d'en faire plus, proposa Denise.
- C'est pas ça!
la coupa sa mère. Bon. À cette heure, vous allez tous vous mêler de vos
affaires, ajouta-t-elle en se levant de table. Je vous laisse la vaisselle.
J'ai mal à la tête. J'ai besoin d'aller m'étendre une heure.
Sur ce, Laurette
quitta la cuisine et alla s'enfermer dans sa chambre à coucher. Jean-Louis
l'imita sans ajouter un mot.
Il y eut un long
moment de silence dans la pièce avant que Gilles demande à sa jeune soeur
d'expliquer pourquoi leur mère avait décidé de la retirer de l'école Lartigue.
La cadette s'exécuta, les larmes aux yeux.
- Vinyenne,
Carole! Qu'est-ce que t'as entre les oreilles? lui demanda Denise. On peut dire
que t'as couru après les troubles.
- Je faisais rien
de mal, protesta l'adolescente, la voix éteinte. C'est pas la fin du monde de
fixer un après-midi d'école. J'ai pas tué personne.
- C'est pas le
fixage que m'man a pas pris. Je pense qu'elle a surtout sur le coeur que tu te
sois promenée avec ton chum, lui fit remarquer Richard, à demi-voix.
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- On faisait rien
de mal! On faisait juste se promener.
- C'est fin, ton
affaire, lui fit remarquer Gilles, la mine sombre. Te vois-tu recommencer à
travailler à l'hospice demain?
Carole secoua la
tête, l'air catastrophé, avant de se lever pour commencer à ranger la
nourriture qui était encore sur la table. Sa soeur l'imita après avoir déposé
sur le poêle à huile une bouilloire remplie d'eau.
Richard sortit
son paquet de cigarettes et le tendit généreusement à son frère.
- Merci. J'ai
décidé d'arrêter, dit Gilles en repoussant le paquet de la main. J'ai pas assez
d'argent pour me payer ça.
- J'en ai un
paquet gratis tous les jours. Je peux t'en donner quand tu veux, lui offrit son
frère. Tu m'en as assez donné quand j'avais pas une cenne.
Gilles s'en tint
à sa décision.
- Est-ce qu'on
commence le ménage de printemps à soir? demanda Richard. Peut-être que ça
ferait tellement plaisir à la mère qu'elle pourrait changer d'idée pour Carole.
- OK.
- Nous autres
aussi, on va vous donner un coup de main, proposa Denise.
- On va faire les
armoires pendant que vous lavez les plafonds et les murs, précisa Carole.
- On va d'abord
éteindre le poêle pour enlever les tuyaux et aller les nettoyer dehors, fit
Richard. Si on fait pas ça d'abord, on va mettre de la suie partout dans la cuisine
et dans le corridor.
- C'est plate que
le hockey soit déjà fini, regretta Gilles. On aurait pu l'écouter en
travaillant.
- Moi, ça me
dérange plus, rétorqua son frère. On a la coupe Stanley. C'est ça qui est
important. Le Canadien pouvait pas manquer son coup cette année.
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- On pourrait
écouter Séraphin, par exemple.
- T'es fou, toi.
Le radio va réveiller m'man. Si elle se lève, elle va vouloir nous aider.
Les tuyaux de la
fournaise et du poêle furent retirés par sections, transportés dans la cour
arrière et nettoyés avant d'être réinstallés. Ensuite, les garçons rallumèrent
le poêle et firent bouillir de l'eau. Dès que cette dernière fut chaude, ils se
mirent au lavage du plafond et des murs de la cuisine, la pièce la plus grande de
la maison. En moins d'une heure, le plafond retrouva sa blancheur et toutes les
traces
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