Le retour
Avez-vous
déjà goûté à un sandwich western?
- Non. Qu'est-ce
que c'est?
- Un sandwich aux
oeufs avec du piment et des oignons. C'est bon en tabarnouche. Essayez-en un et
vous me direz ce que vous en pensez.
Denise n'osa pas
refuser et Pierre Crevier commanda des boissons gazeuses et deux sandwichs.
Pendant qu'ils attendaient, il fit en sorte que son invitée lui présente chaque
membre de sa famille et avoue ne pas avoir d'ami
de coeur. Après
le repas, il lui raconta sa vie en quelques mots avec un certain humour.
- Je viens d'un
petit village proche d'Alma, au lac Saint-Jean. Ça fait un an et demi que je
suis arrivé à Montréal. Ça me surprend de pas vous avoir vue avant aujourd'hui.
En tout cas, j'espère que vous me trouvez pas trop l'air habitant?
- Ben non,
protesta Denise, séduite par sa bonne humeur.
- Chez nous, on
est treize enfants. Je suis le septième et même si ma mère passe son temps à me
dire que je suis son plus beau, je la crois pas... Mes frères non plus. J'ai
lâché l'école en septième pour aider sur la terre, puis j'ai fait les chantiers
chaque hiver jusqu'à il y a deux ans.
À ce moment-là,
ils se sont mis à engager moins dans les chantiers et j'ai perdu ma job. J'ai
pas grande instruction.
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Ça fait que les
seules jobs que j'ai trouvées ont toujours été des jobs forçantes. Quand mon
oncle Eugène m'a dit qu'il y avait de l'ouvrage dans le port de Montréal pour
un gars comme moi à cause de la canalisation du Saint-Laurent qui va apporter
de plus en plus de bateaux à Montréal, j'ai fait ni une ni deux. J'ai paqueté
mes petits et je suis venu travailler en ville. Quand je suis arrivé, il y
avait pas de place pour moi sur le port, ça fait que j'ai travaillé une couple
de mois dans la construction des nouvelles serres du Jardin botanique. Je
gagnais presque autant que mon oncle qui travaillait à creuser le nouveau
réservoir sur le mont Royal. Ça empêche pas’que quand j'ai eu la chance d'avoir
une job de débardeur, j'ai tout lâché et je le regrette pas.
- Vous vous
ennuyez pas de chez vous? demanda Denise.
- Pas mal. Mais
ma mère m'écrit presque toutes les semaines pour me donner des nouvelles de
tout le monde, c'est déjà moins pire. De toute façon, je peux pas retourner
là-bas, il y a pas d'ouvrage pour moi.
Après avoir bu
leur boisson gazeuse, les deux jeunes gens durent se résigner à quitter les
lieux. Pierre Crevier marcha aux côtés de Denise jusqu'au magasin. Au moment de
la quitter, le jeune homme lui tendit la main qu'elle ne put faire autrement
que saisir.
- Amis?
demanda-t-il avec un large sourire.
- Amis,
accepta-t-elle en lui rendant son sourire.
- On se dit
" tu "?
- C'est correct.
- En tout cas,
oublie pas ce que je t'ai dit tout à l'heure.
Si le bonhomme en
dedans ose une seule fois te toucher, tu m'avertis. Cette fois-là, je vais
m'occuper sérieusement de lui.
- Je pense qu'il
a compris.
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- On va se
revoir, lui promit-il en lui adressant un signe de la main avant de la quitter.
Elle le vit
s'éloigner en direction de la rue Dufresne. Il avait vraiment une carrure
impressionnante et il dépassait les gens d'une demi-tête. Elle se rappela alors
qu'elle avait beau être de taille moyenne, sa tête dépassait à peine son
épaule. A son entrée dans le magasin, Beaudry lui lança un regard furieux, mais
il ne lui dit rien. Elle se dirigea immédiatement vers la pièce au fond du
local pour continuer la tâche entreprise à la fin de l'après-midi, soit
déballer de la marchandise et venir la placer sur les rayons. Quand les clients
commencèrent à se faire plus nombreux vers sept heures, elle revint les servir,
comme elle le faisait habituellement.
Quelques minutes
avant neuf heures, Richard entra dans le magasin.
- Je t'attends à
la porte, se contenta-t-il de dire à sa soeur avant de sortir.
A neuf heures
pile, Beaudry tendit à sa vendeuse l'enveloppe contenant sa paye hebdomadaire
en se contentant de lui dire sèchement:
- On ferme.
Denise prit son
sac à main, y déposa sa paye et se dirigea vers la porte sur un " bonsoir
" aussi sec.
A sa sortie du
magasin, elle trouva Richard, appuyé contre la vitrine, les mains enfouies dans
les poches et la cigarette au bec. A quelques pieds de distance, elle eut la surprise
de découvrir Pierre Crevier en train d'examiner les articles
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