Le retour
hétéroclites
exposés dans l'autre vitrine.
Denise, heureuse
de le retrouver aussi vite, passa à côté de son frère et s'arrêta dans le dos
du jeune homme sans qu'il l'ait vue venir. Elle ne put s'empêcher de lui faire
remarquer:
- Tu trouves pas
qu'il est pas mal tard pour commencer à magasiner? Les magasins sont fermés.
202
Pierre Crevier
sursauta légèrement et se tourna vers elle.
- Comment tu
penses que je suis devenu riche?
plaisanta-t-il.
J'attends toujours que tout soit fermé. Comme ça, je dépense pas une cenne.
Denise sentit un
mouvement à ses côtés. Elle tourna la tête et découvrit Richard, l'air
mécontent.
- Dis donc! Me
prends-tu pour un coton? Je me donne la peine de venir te chercher et tu fais
comme si j'étais pas là, lui reprocha-t-il.
- Qui c'est?
demanda Pierre Crevier, curieux.
- Mon frère
Richard.
- Et toi, t'es
qui? demanda l'adolescent, agressif.
Même s'il devait
concéder plusieurs pouces et une quarantaine de livres à son vis-à-vis, Richard
n'entendait reculer devant personne.
- Whow! Débarque
de sur tes grands chevaux! dit Crevier en riant. Je suis un ami de ta soeur.
Inquiète-toi pas, j'essaye pas de l'enlever.
- Comment ça se
fait que je te connais pas? demanda l'adolescent, intrigué.
- Parce qu'on est
de nouveaux amis, pas vrai, Denise?
- En plein ça.
- Je trouve que
t'es un maudit bon frère de venir la chercher après son ouvrage quand il fait
noir, le félicita le débardeur en lui tendant la main. Je m'appelle Pierre.
- Ça me dérange
pas pantoute de venir, dit Richard, tout de même flatté par le compliment.
- Est-ce que ça
vous dérangerait que je marche un peu avec vous autres? demanda Pierre. Il fait
tellement chaud que j'ai pas vraiment le goût d'aller m'enfermer dans ma petite
chambre.
- C'est à ma
soeur de te dire ça, dit Richard en regardant sa soeur.
203
Denise hésita un
court moment. Elle ne tenait pas particulièrement à ce que son sauveteur voie
le taudis où elle habitait, mais comment lui refuser la permission de
l'accompagner un bout de chemin après ce qu'il avait fait pour elle.
- Si t'as rien
d'autre à faire, consentit-elle en espérant secrètement qu'il les quitte chemin
faisant.
Durant quelques
minutes, la jeune fille craignit que son nouvel ami aborde devant son frère la
scène scabreuse à laquelle il avait assisté à la fin de l'après-midi. S'il en
avait parlé, cela aurait causé un véritable drame à la maison. Ses frères
auraient sûrement voulu s'en prendre à Beaudry et elle n'était pas du tout
certaine qu'ils auraient été assez rapides pour devancer leur mère, qui serait
venue écharper le satyre. Dans un cas comme dans l'autre, elle aurait été
obligée de se chercher un autre emploi..
Elle avait
brièvement envisagé de se chercher un autre travail après avoir été victime de
l'assaut de son gérant, mais elle était encore sous le choc d'avoir dû se
défendre.
Maintenant, à
tête reposée, elle était beaucoup moins sûre de vouloir changer de place. Elle
aimait le travail de vendeuse et appréciait travailler à proximité de chez
elle.
Avec près de cinq
ans d'expérience, elle pourrait probablement se trouver un autre emploi
semblable, mais il lui faudrait se déplacer en tramway, ce qui était loin
d'être une perspective plaisante.
Durant tout le
trajet, tous les trois échangèrent des plaisanteries et Pierre Crevier
s'informa longuement du genre de travail que Richard exécutait chez Impérial
Tobacco. Contre toute attente, il ne semblait pas du tout vouloir les quitter
en cours de route.
Au moment où ils
arrivaient à la rue Emmett, le jeune débardeur demanda à Denise:
- Est-ce que t'as
un chum?
204
- Non.
- Comme ça, je
risquerais pas de fâcher personne si je t'invitais à manger un cornet demain
soir, après le souper?
- Ben...
- Est-ce que tu
m'invites, moi aussi? blagua Richard.
- Certain.
- Je pense que
dans ce cas-là, ma soeur va pouvoir accepter si ça lui tente. Tu connais pas ma
mère, toi! Si tu penses qu'elle va laisser sortir sa fille sans chaperon, tu te
mets le doigt dans l'oeil.
- Puis, Denise?
insista Pierre Crevier.
- C'est correct,
accepta la jeune fille en lui adressant son plus beau sourire.
- Parfait.
Demain, sept heures?
- OK.
Pierre Crevier abandonna
le frère et la
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