Le retour
attrapé le gérant par une épaule et l'avait fait pivoter
sans aucun effort, de manière à ce qu'il se retrouve face à lui.
- Tu pourrais pas
t'occuper des clients plutôt que de chercher à taponner ta vendeuse, vieux
maudit vicieux?
demanda le type
en affichant un air mauvais.
-Je...Je...
- Ferme ta gueule
et sors d'ici, lui ordonna l'intrus en le bousculant vers la sortie. J'ai ben
envie de t'en sacrer une tout de suite pour te montrer à te conduire comme du
monde, écoeurant! Envoyé! Sors! Grouille-toi!
Le sauveteur de
Denise dépassait Antoine Beaudry de plus d'une tête et sa chemise à manches
courtes laissait voir des bras dont la musculature était imposante. L'homme âgé
d'une vingtaine d'années avait une épaisse chevelure noire et un visage aux
traits énergiques. Ses yeux noisette lançaient des éclairs. Il donnait une
impression de force tranquille plutôt impressionnante.
- J'appelle la
police! menaça le gérant en se précipitant vers le téléphone installé derrière
le comptoir.
- Une ben bonne
idée que t'as là, l'approuva l'homme, sarcastique. Vas-y! Appelle!
L'inconnu fut
plus rapide que lui. Il saisit l'écouteur avant Antoine Beaudry et le lui
tendit brusquement. Ce dernier recula, comme s'il avait craint que l'autre lui
en donne un coup.
- Envoyé!
Appelle-la, la police! ordonna le client.
Qu'est-ce que
t'attends? On va lui raconter comment t'essayes de violer ta vendeuse en
arrière de ton magasin.
195
Avec un peu de
chance, la police pourra faire venir ta femme pour lui en parler. Qu'est-ce que
t'en penses, le vicieux?
Blanc comme un
drap, le gérant raccrocha l'écouteur en jetant des regards éperdus autour de
lui, comme pour vérifier si un autre client était entré dans le magasin et
avait tout entendu. A cet instant précis, Denise, le visage maculé par son
rimmel qui avait coulé, entra dans le magasin. Elle tenait d'une main le haut
de son chemisier qui bâillait.
- Il y a rien qui
presse, lui dit son sauveteur. Prends le temps d'arranger ta blouse et de
t'essuyer le visage. Ton boss te donne la permission de prendre du fil et une
aiguille pour recoudre tes boutons. Pas vrai? demanda-t-il sur un ton menaçant
à Beaudry, qui essayait de reprendre son aplomb, réfugié derrière sa caisse
enregistreuse. Je t'attends.
Denise lança un
regard angoissé vers son gérant avant de se diriger vers le comptoir où des
aiguilles et du fil étaient en vente. Elle prit une bobine de fil et une aiguille
et alla se réfugier sans rien dire dans l'arrière-boutique.
Pendant les
quelques minutes qui lui furent nécessaires pour remettre sa tenue en ordre, le
client était demeuré planté derrière la vitrine, regardant les badauds rentrer
du travail en ce vendredi après-midi. La jeune fille fut tout étonnée de le
retrouver encore sur place quand elle revint dans le magasin. De toute
évidence, elle ne savait pas quel comportement adopter face à Antoine Beaudry
qui lui jeta un regard furieux, comme s'il la tenait responsable de ses
déboires.
Dès qu'il
l'entendit revenir, l'homme se rapprocha de la caisse, ce qui incita le gérant
à reculer précipitamment.
- Bon. Est-ce que
tout est correct? demanda-t-il à la jeune fille.
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Denise lui fît un
signe de tête et murmura un " oui " à peine audible. Elle demeura
plantée devant le comptoir, ne sachant pas trop quoi faire.
- Parfait! A
cette heure, le vieux, tu vas ben m'écouter, dit-il en tournant un visage
menaçant vers un Antoine Beaudry excessivement nerveux. Si jamais j'apprends
que t'as essayé de toucher à ta vendeuse avec tes grosses mains sales, tu vas
me voir revenir. T'es marié, contente-toi de ta femme. M'as-tu entendu?
- Oui, oui, dit
Beaudry, qui reprenait un peu d'aplomb en se rendant compte que l'autre ne le
frapperait pas.
- C'est pas tout,
ça! reprit l'homme. Si t'essayes de te venger ou de la mettre à la porte parce
que t'as pas eu ce que tu voulais, je vais tellement ben m'occuper de toi que
tu vas regretter d'être venu au monde. C'est clair?
Le gérant se
contenta de hocher la tête, le front dénudé couvert de sueur.
- C'est correct.
Je pense que c'est l'heure de souper de ta vendeuse, non?
- Euh...
- C'est ça. C'est
son heure de souper, le coupa son vis-à-vis. On va revenir dans une heure. À
cette heure, souviens-toi ben de ce que je viens de te dire. J'ai
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