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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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fût heureux, un rêve était en train de devenir réalité. Il en souriait d’aise pendant que Gabriel jacassait pompeusement et que Marigny, appliqué, faisait auprès du roi son office de courtisan et de Directeur des Bâtiments. L’architecte arborait sans ostentation le ruban noir de l’ordre de Saint-Michel que le roi lui avait accordé, il en était fier sans en être glorieux, il ne recherchait pas les honneurs, l’architecture l’occupait bien assez. Il avait cependant été anobli puis honoré du ruban noir . Soudain il eut l’air de s’éveiller, tourna la tête de tous côtés. Où était Cochin ? Enfin il l’aperçut, l’habit barré comme le sien du ruban noir de Saint-Michel. Comme Soufflot il avait été anobli par le roi . Le petit Cochin bavardait avec vivacité au milieu d’un groupe de peintres. De loin l’architecte observa les mimiques. Autour de Cochin on parlait et on gesticulait, la scène était animée. Nul doute que l’ami Cochin ne fût encore occupé à régler quelques détails de l’art.

    Pour que la fête fût complète on distribua le soir venu des victuailles dans les jardins illuminés des Tuileries pendant qu’un orchestre déversait des flots de musique. Le jour déclinait tout juste quand les premiers grondements de l’orage étonnèrent avant d’inquiéter, les éclairs alarmèrent davantage, on commença à sedisperser. Vite une tourte à la viande, une brioche, un gobelet de vin… Fuyons ! La pluie tombait à seaux, il n’y eut bientôt plus un badaud dans la rue.

    Marigny était depuis longtemps rentré dans sa maison du Roule. Soufflot, Cochin, Marmontel étaient là. Le secrétaire tant apprécié du Directeur avait abandonné sa charge aux Bâtiments quatre ans plus tôt pour prendre la direction du Mercure de France. Les rapports entre Marigny et son ancien secrétaire qu’aucune hiérarchie ne séparait plus se situaient maintenant uniquement sur le plan de l’amitié. Il hantait donc souvent la maison du Roule. Le sujet de conversation s’imposait ce soir-là.
    — Belle cérémonie ! commenta sobrement Marmontel.
    Cochin ne put s’empêcher de railler.
    — Le commentaire est un peu sobre pour un homme de lettres !
    — Je ne veux pas qu’on m’accuse de grandiloquence.
    — À moins que vous ne souhaitiez pas être trop sincère ?
    Marigny se donnait l’air de plaisanter mais il était agacé. Marmontel ne s’y trompa pas et il savait que le seul moyen de déjouer l’irritation possible de Marigny était d’affronter le problème, si tant est qu’il y en eût un.
    — Si les Bâtiments peuvent revendiquer l’honneur d’avoir conçu cette place, la cérémonie était du ressort de la ville.
    — Et la ville piaffait d’impatience depuis quelques années ! ironisa Cochin.
    Marigny sourit. Cochin venait de marquer un point, on échapperait peut-être à une discussion dont le ton eût été trop amer.
    — Le prévôt tenait à son jour de gloire.
    — Le roi peut-être un peu moins.
    — Pouvait-il s’y soustraire ? En lui offrant cette statue la ville de Paris voulait l’honorer.
    — L’initiative date de vingt années, l’enthousiasme est retombé.
    — Je ne crois pas.
    C’était Soufflot qui était intervenu.
    — Non, vraiment je ne crois pas. J’ai observé ces messieurs de la ville dans le cortège ils étaient manifestement ravis.
    — C’est qu’ils aiment à se repaître de leur propre gloire et à se féliciter de leur générosité. Mais la foule ?
    — Je peux vous dire que les badauds n’auraient pas donné leur place pour…
    — Pour quoi ? De l’or ? Allons ! Ils étaient conviés à un spectacle, à une distribution gratuite de victuailles, l’auraient-ils refusé ? Et puis cette inauguration s’inscrit dans les trois jours de festivités pour la paix. La paix… Oui.
    — Nous l’avons tous assez attendue cette paix pour nous réjouir qu’elle soit là. Tout le monde rend grâce au roi d’avoir eu la sagesse de la conclure.
    — C’est vrai, mais il restera la disgrâce d’avoir été finalement vaincu. Le peuple aime la paix mais il aime aussi la victoire.
    — Je vous trouve bien triste pour un soir de fête.
    — Peut-être suis-je fatigué ? La cérémonie était diablement longue ! Mais vous avez raison contre moi, nous devons nous réjouir de cette paix et nous allons le faire à l’instant avec un excellent vin de champagne.

    La conversation se poursuivit un

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