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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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contre mauvaise fortune bon cœur faute de meilleur contentement puisqu’ils étaient supposés se réjouir d’une intimité qui ressemblait fort à un brutal isolement. Marigny aspirait à être père, il s’y employa. Julie ne s’étonna ni ne se révolta. Sa mère l’en avait avertie, ce n’était que l’inconvénient obligé d’un mariage qui lui ouvrait un bel avenir. En attendant des lendemains qu’Abel et Julie ne voyaient pas sous le même jour, les époux devaient inventer comment passer le temps sans qu’il durât trop et sans avoir l’air de s’ennuyer. Julie jouait du clavecin. Marigny s’en réjouit, c’était une occupation quiconvenait aux femmes, jusqu’ici tout était normal. Et puisque tout allait si bien il se livrait à son occupation favorite, il prévoyait, il préparait, il ordonnait. L’instant était dépassé, c’était tout ce qu’il avait jamais demandé au temps, et comme tout au long de sa vie il était en avance d’un moment. Il fallait préparer la maison de la rue Saint-Thomas du Louvre pour leur retour. Qui s’en chargerait ? Soufflot ! Soufflot qui n’était pas à Ménars pour la cérémonie et la réception mais qui avait envoyé ses félicitations. Les fastes de Ménars c’était pour le prestige, l’amitié n’avait rien à y voir. Soufflot irait donc préparer la maison. Il avait reçu les directives par le menu. Il devait ôter tous les tableaux suspendus dans le couloir qui conduisait au boudoir de la nouvelle marquise pour n’y laisser que les Ports de France de Vernet. Il ferait ôter le canapé du salon pour le remplacer par le clavecin de madame de Marigny. Il donnerait les ordres pour que le mardi 23 janvier quand les nouveaux mariés rentreraient on eût allumé partout de grands feux. Sans doute le talent de Soufflot était-il nécessaire pour planter quelques clous, déplacer un canapé, houspiller quelques domestiques ! À moins que la famille de Marigny ce ne fût finalement que Soufflot et Cochin ?

    Marigny et son épouse rentrèrent à Paris le 23 janvier 1767. Ils n’étaient restés que douze jours à Ménars. Une éternité ! Marigny avait à faire aux Bâtiments, personne ne pouvait contester cette contrainte. Julie allait se précipiter chez sa mère qui n’avait pas manqué de s’ennuyer à périr, et sans se plaindre ! Chacunretrouvait son univers et le mariage était déjà plus confortable. On allait se couler avec délices dans ses anciennes habitudes et se donner toutes les excuses pour être tellement aise de les retrouver. Il y avait de quoi meubler le temps en attendant que le mariage devienne aussi une accoutumance. Abel était certain que cela ne pourrait manquer de se faire dans la plus parfaite harmonie avec l’arrivée du premier enfant. Il peignait son avenir de jolies couleurs layette, Julie rêvait la vie qui commençait dans les ors de Versailles et l’effervescence de Paris.

    En attendant des lendemains en dentelles et en robe de baptême la vie continuait, et sur un grand pied. Marigny attendrait quelque temps que le mariage lui apportât ce qu’il était venu y chercher, pour Julie c’était déjà la consécration. Le 22 février, la marquise de Marigny fut présentée au roi, à la reine, et à la famille royale. Abel lui avait offert pour la circonstance robe, dentelles, et bijoux. Madame Geoffrin qui n’était pas toujours bonne langue décréta que les diamants de la jeune marquise étaient plus médiocres que ceux de la marquise de Pompadour.

Les soucis, les chausse-trappes en tout genre attendaient Marigny à la Surintendance. S’il craignait l’ennui, il était rassuré. Julie pouvait courir les modistes tout le jour avec madame Filleul, il n’avait pas trop de ses journées pour venir à bout des irréductibles contestataires qu’étaient les architectes. Les architectes ! Il les admirait, il les aimait, plus que tous les artistes de son temps qu’il tenait pourtant en haute estime, mais ils n’étaient jamais contents. La révolte grondait à l’Académie d’architecture. À l’accoutumée la grogne, ordinaire dans la corporation, était plutôt feutrée, cette fois on avait carrément brandi l’étendard de la révolte. Marigny n’aimait pas cela, si ces messieurs voulaient un bras de fer ils l’auraient !

    Tout commença avec la mort de l’architecte Loriot au printemps de l’année 1767. Tout le monde déplora d’abord ce décès avec la componction de rigueur,

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