Le roi d'août
puis empruntant le chemin inverse et recommençant tout le processus, encore et encore. Tandis qu'il aiguisait ainsi le désir d'Isambour, il lui décrivait ses appas en des termes amoureux qui, s'ils n'étaient pas dignes d'un poète, possédaient une simplicité et une sincérité émouvantes. Sa bouche ne cessait de former des mots que pour baiser une autre bouche ou bien les mamelons dont l'érection avait suivi les premières caresses, lui assurant que la répulsion n'était pas tout ce qu'il pouvait inspirer à son épouse.
La main de Philippe, jusque-là demeurée presque sage, s'aventura enfin entre les cuisses d'Isambour, glissant du genou à l'entrejambe. La reine poussa un soupir ; son souffle s'était accéléré. Lorsqu'il précisa la caresse, son amant eut la joie de la découvrir prête à le recevoir. Puisqu'il doutait, après une abstinence de plusieurs mois, de pouvoir se contenir très longtemps une fois en elle, il n'en maîtrisa pas moins l'envie qu'il avait de la prendre : il chercha à nouveau des lèvres qu'elle lui offrit cette fois sans la moindre retenue. Comme elle lui nouait les bras autour du cou, que deux mains d'une infinie douceur se posaient sur sa nuque puis parcouraient son dos, il se rendit compte qu'elle frissonnait toujours – mais plus de peur.
Transporté par l'élan qu'il était parvenu à lui inspirer, il l'amena au seuil de la jouissance, avant de s'allonger sur elle pour la pénétrer.
Ingeborg se mordit les lèvres mais ne chercha pas à le repousser, à lui échapper. Ce fut à peine si elle sursauta quand sa virginité lui fut ravie : la trop brève douleur de la déchirure ne réussit pas à la détourner du plaisir qui montait en elle.
— Je t'aime, seigneur, murmura-t-elle en latin.
Le dernier mot se brisa sur un gémissement de délices. Philippe faillit lui répondre qu'il l'aimait aussi : même s'il savait que c'était encore faux, il ne doutait pas que cela serait vrai très bientôt ; faire plaisir à son épouse valait bien un petit mensonge par anticipation.
Brusquement, toutefois, une vague angoisse le saisit. Alors qu'il commençait tout juste d'intensifier le rythme que ses hanches imprimaient à leur étreinte, il le brisa, l'estomac noué. Que lui arrivait-il ? Sa nouvelle reine était magnifique, aussi soumise et ravie de l'être qu'il avait pu la rêver ; les mains qu'il sentait peser au creux de ses reins, le bassin qui ondulait sous lui disaient assez qu'elle le désirait autant qu'il la désirait. Alors, quoi ?
D'un coup, il comprit ; depuis le début, elle n'avait pas ouvert les paupières. Comment savoir ce qui se dissimulait derrière ? Il sentait bien que c'était ridicule : la gorge d'Isambour lui était entièrement dévoilée ; elle ne portait pas la moindre trace de branchies. Pourtant, il sentit qu'il ne pourrait être tranquille avant d'avoir constaté de visu que sa femme était bien humaine, humaine et rien d'autre.
— Ouvre les yeux, ordonna-t-il en français puis, devant une totale absence de réaction, en latin.
Elle secoua la tête, pudique. Philippe prit cela pour un aveu. Le coin gauche de ses lèvres se releva sèchement, à trois reprises.
— Ouvre les yeux, femme ! gronda-t-il, élevant le ton pour la première fois en présence de son épouse.
Elle les ouvrit, plus surprise que soucieuse d'obéir à un ordre qu'elle n'avait pas compris.
Ils étaient bleus.
Entièrement bleus.
— Lysamour ! hurla Philippe, horrifié.
Il se rejeta en arrière d'une détente prodigieuse qui le laissa debout au pied du lit, son sexe recroquevillé ballottant entre ses cuisses alors que, quelques instants auparavant, il se trouvait au bord de l'orgasme. Ingeborg cria elle aussi, de frayeur, et ramena bras et jambes contre son torse en un infantile réflexe de protection.
— Comment m'as-tu retrouvé ? haleta le roi, défiguré. Qu'as-tu fait de la véritable Isambour ?
Son épouse le contemplait sans bouger. Dans ses yeux, le bleu refluait vers les iris au fur et à mesure que le choc annihilait l'excitation, laissant apparaître un regard de totale stupéfaction et d'accablement. Déjà, des larmes perlaient à ses paupières.
— Je vous en supplie, sire, dites-moi ce qui vous arrive, implora-elle en danois, oubliant qu'il n'en savait pas le premier mot. Qu'ai-je donc fait pour vous déplaire ?
Tous les deux tremblaient nerveusement mais Philippe était sans conteste le plus affecté : son visage
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