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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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accoutumée à l'attention populaire. Ce fut avec un naturel parfait qu'elle salua, elle aussi, souriante, et sa grâce lui valut des exclamations enthousiastes qu'elle comprit sans qu'il fût besoin de les lui traduire. Se tournant de droite et de gauche, afin de n'oublier personne, elle croisa par accident le regard du roi – approbateur, lui sembla-t-il. Comme il lui souriait, elle lui répondit sans trop avoir à se forcer : il était décidément hideux mais paraissait en revanche aimable, chevaleresque. S'il s'avérait qu'elle ne pouvait l'aimer, elle n'aurait sûrement aucun mal à le respecter, et le respect était indispensable entre époux – particulièrement pour un couple régnant.
    Philippe, sa méprise d'un instant oubliée, n'était pas moins optimiste. Oui, elle ferait une reine parfaite. Il n'eût pu en rêver de meilleure pour prendre la suite de sa chère Isabelle, dont elle partageait la blondeur, les yeux céruléens et le doux caractère, sinon la fragilité.
    Après avoir traversé la ville, le cortège royal rejoignit la procession de religieux qui venait à sa rencontre depuis la cathédrale, menée par l'évêque local, Thibaut d'Heilly, et tous gagnèrent le lieu saint où devait avoir lieu la cérémonie.
    Ingeborg ne craignait plus d'être repoussée. Grisée d'acclamations, euphorique, elle passa le reste de la journée comme dans un rêve, se laissant porter par le flot des événements, comptant sur l'abbé d'Aebelholt pour lui indiquer ce qu'elle devait faire – encore qu'il lui suffit, la plupart du temps, d'être belle et de sourire. Ce fut à peine si elle eut conscience de prononcer en latin la formule rituelle par laquelle elle s'engageait envers Philippe : « De cet anneau, je t'épouse, et de mon corps, je t'honore. » Ce fut à peine si elle l'entendit lui répondre dans les mêmes termes. Il fallut que la chorale entamât le dernier cantique, que le roi se relevât et lui fit signe de l'imiter, pour qu'elle comprît que tout était terminé. Ils étaient mariés. Devant Dieu et devant les hommes. Ce n'était pas un rêve : elle était bel et bien reine de France.
    La jeune fille avait un point commun avec son confesseur : elle aussi rêvait d'apaiser les souffrances humaines, si possible sur une grande échelle. En tant que femme, si elle ne voulait pas s'en tenir à la prière et à l'aumône, le seul moyen qu'elle avait de réaliser son ambition était de régner. Se fût-elle ouverte de ce désir au brave abbé qu'il l'eût sans nul doute mise en garde contre une aspiration aussi peu féminine, mais pourquoi lui en eût-elle parlé ? Elle ne considérait pas cela comme un péché.
    Toute sa vie, elle avait su qu'elle quitterait le Danemark un jour, pour nouer une quelconque alliance, mais jamais elle n'avait osé espérer un parti aussi prestigieux. À présent, elle se réjouissait de la décision prise par son frère : plus grand le royaume, plus considérable le bien qu'elle pourrait faire. Elle voulait croire que son époux ne lui interdirait pas de s'exprimer en faveur des malheureux. Sa première tâche serait de le conduire à alléger les impôts dont il les accablait, disait-on, mais elle avait l'intention de s'informer au préalable, afin de ne pas le fâcher en fondant ses critiques sur de simples rumeurs. Si elle voulait l'emporter dans une quelconque discussion, il lui faudrait de toute façon apprendre le français, dont Guillaume d'Aebelholt n'avait guère fait que lui enseigner des rudiments durant les dernières semaines.
    Ce fut en méditant ces projets qu'elle entendit Philippe, sur le parvis de la cathédrale, annoncer publiquement leur couronnement du lendemain et détailler le douaire qu'il lui offrait : Orléans, Châteauneuf sur Loire, d'autres villes encore. De fort belles terres, à n'en pas douter, qu'elle visiterait à la première occasion et tenterait d'administrer sagement.
    Le roi avait bien fait les choses : tandis que les nobles invités gagnaient la salle mise à leur disposition par l'évêque – tout ce quartier de la ville étant propriété du diocèse –, on commença à dresser dans les rues des tables que viendraient bientôt couvrir vin et victuailles, afin que la population tout entière participât aux réjouissances. Nonobstant son aversion pour les divertissements, désireux de complaire à sa femme aussi bien qu'à la cour, Philippe avait engagé jongleurs et acrobates qui se produisirent durant le

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