Le roi d'août
rituelle :
— Acceptez-vous pour roi Philippe, deuxième du nom, fils de Louis le septième ?
Et d'une seule voix, l'assemblée répondit « Soit ! ». C'était la troisième fois que Philippe se faisait ainsi confirmer dans sa fonction par acclamations. Chaque fois, son pouvoir s'en trouvait renforcé, les droits de sa lignée un peu plus assurés.
Le couple royal s'assit tandis que s'éteignaient les échos du plébiscite. Confiant sa crosse à un de ses suffragants, l'archevêque de Reims présenta alors au roi le grand évangéliaire de la cathédrale, afin qu'il y posât la main. L'heure de prêter serment était arrivée.
Philippe n'avait pas ouvert la bouche depuis la veille au soir. L'espace d'un instant qui lui sembla une éternité, il se crut incapable de parler, la gorge nouée, il crut que les paroles solennelles avaient disparu de son esprit. La paupière de son œil gauche battit trois fois, rapidement, puis il se ressaisit et se racla la gorge.
— Je promets, au nom de Jésus Christ, au peuple chrétien qui m'est soumis, entama-t-il, premièrement de faire conserver en tout temps à l'église de Dieu la paix par le peuple chrétien ; d'empêcher les personnes de tous rangs de commettre des rapines et des iniquités de quelque nature qu'elles soient…
Tandis qu'il prononçait ces derniers mots, il se tourna vers le comte de Boulogne et son aguichante épouse, debout au premier rang. Les deux hommes échangèrent un regard chargé, pour Renaud, d'ironie autant que d'animosité.
— De faire respecter la justice et la miséricorde dans les jugements, continua le roi, afin que Dieu, qui est la source de la clémence et de la miséricorde, daigne les répandre sur moi et sur vous aussi ; de m'appliquer sincèrement et selon mon pouvoir à expulser de toutes les terres soumises à ma domination les hérétiques nommément condamnés par l’Église. (Il marqua une pause pour reprendre son souffle ; malgré la fraîcheur du lieu et sa position assise, il haletait presque.) Je confirme par serment toutes les choses énoncées ci-dessus ; qu'ainsi Dieu et ses saints Évangiles me soient en aide.
Confiant le livre à un nouveau suffragant, Guillaume aux Blanches Mains se tourna vers l'épée qu'un autre encore lui apportait. Il la bénit, la prit en mains et la présenta à Philippe qui la reçut avec dignité. Cela fait, il tourna les talons et alla prendre place derrière l'autel. Le roi et la reine le suivirent. Après que le premier eut déposé l'épée sur la table sacrée, ils allèrent s'agenouiller face à l'officiant. Deux évêques s'approchèrent d'eux afin de dégrafer leur ceinture et de leur ôter leur bliaud, les laissant en chemise.
L'archevêque, cependant, ayant prononcé une nouvelle oraison, préparait l'onction : dans la patène du calice de saint Denis, il mêla un peu du baume de la Sainte Ampoule et un peu de Saint Chrême, respectivement prélevés avec une aiguille d'or et une aiguille d'argent.
Lorsque le prélat, patène en main, contourna l'autel pour s'approcher des souverains, ses suffragants défirent les lacets qui fermaient les fentes de la chemise du roi puis s'écartèrent.
Guillaume surveillait attentivement son neveu dont il sentait croître la tension. À voir le visage rose de confusion de la reine, qui n'avait pas levé les yeux depuis le début de la cérémonie, il inclinait à penser que l'imprévu la concernait, mais de quoi pouvait-il s'agir ? Si elle n'avait pas été vierge, Philippe ne se fût pas fait faute de le clamer au sortir de la chambre nuptiale : voilà qui eût contraint Knut à en passer par ses volontés pour le dédommager.
Le roi leva la tête vers l'archevêque. Son front plissé et ses lèvres pincées révélaient ses efforts pour se maîtriser. Guillaume le sentit frémir lorsqu'il lui traça une croix sur le front après avoir trempé le pouce dans la patène. Il lui en dessina également une à la saignée des deux bras, par les fentes de la chemise, puis passa derrière lui pour achever la besogne.
Comme il écartait de la main un pan d'étoffe afin de dénuder l'épaule droite, son neveu se tendit.
Philippe, sans le vouloir, s'était tourné vers Isambour, dont les suffragants commençaient à délacer la chemise. Par un étrange caprice du soleil et des vitraux, le rai de lumière qui le nimbait, lui, d'une aura dorée laissait la jeune Danoise dans l'ombre, comme si Dieu avait voulu signifier ainsi qu'elle
Weitere Kostenlose Bücher