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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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veille, accompagné d'une escorte très réduite.
    — Eh bien, oui, sire, admit l'archidiacre, soulagé de n'avoir plus à dissimuler. Il est venu me demander conseil : il a grand regret de s'être laissé entraîner à agir contre vous et grande crainte de votre courroux. Je comptais vous entretenir de ce sujet plus tard, en un moment où je vous aurais senti enclin à la magnanimité.
    — Car vous estimez qu'il mérite ma magnanimité ?
    L'ecclésiastique eut un geste vague.
    — Tout homme mérite le pardon, s'il se repent, déclara-t-il.
    Richard éclata de rire.
    — Allons, monseigneur, cessez donc de trembler, et dites à Jean de cesser de trembler, lui aussi ! Est-il encore dans cette ville ? Si oui, qu'il vienne sans crainte. Il est mon frère. Il a agi follement, c'est exact, mais je ne le lui reprocherai pas. Quant à ceux qui l'ont poussé, ils ont déjà eu leur récompense ou ils l'auront plus tard.
    L'archidiacre donna un ordre à un chambellan. Peu de temps après, Jean sans Terre faisait son entrée, penaud, la tête basse et le regard craintif. Allant droit au roi, il se prosterna à ses pieds sans un mot.
    Richard, un sourire indulgent aux lèvres, se pencha pour lui prendre les mains.
    — Vous n'avez rien à craindre de moi, Jean, dit-il. Vous êtes un enfant qui a été mis en mauvaise garde. Ceux qui vous ont conseillé le paieront. À présent, levez-vous et allez manger. Nos braves bourgeois de Lisieux nous ont justement fait présent d'un saumon magnifique ; c'est, je crois, votre mets favori…
    Le prince se redressa, n'osant encore croire à ce qu'il venait d'entendre. Alors qu'il s'attendait à être emprisonné, à tout le moins banni, voilà qu'on lui tendait les bras. Il s'y jeta avec reconnaissance, et les deux frères échangèrent une chaleureuse accolade.
    Ensuite, Jean alla manger son saumon.
    Il avait pu concevoir de s'opposer à Richard lorsque ce dernier se trouvait en Germanie. Même après la libération tant redoutée, il s'était bercé d'illusions pendant quelques semaines, mais dès qu'il avait appris le débarquement du roi en Normandie, toute volonté l'avait abandonné. Son aîné l'avait dit : c'était un enfant. De vingt-huit ans.
    À la mansuétude de son frère, qu'il ne devait plus jamais trahir, il voulut répondre par un coup d'éclat. C'en fut un – mais un coup d'éclat à la Jean sans Terre, de ceux qu'on ne rapportait que dans les chroniques ennemies. Puisque Philippe lui avait confié la défense d’Évreux, il s'y rendit avec une troupe et, une fois dans la place, fit massacrer la totalité de la garnison française – plusieurs chevaliers furent décapités en place publique. Il annonça ensuite qu'il prenait possession de la ville au nom de Richard Plantagenêt, roi d'Angleterre et duc de Normandie. Les habitants, auxquels il avait affirmé moins de trois mois plus tôt que ce même Richard ne reviendrait jamais, se grattèrent la tête et comprirent qu'ils n'étaient pas au bout de leurs souffrances.
    Ils ne se trompaient pas. Averti des agissements de son éphémère allié, Philippe entra dans une telle fureur qu'il leva immédiatement le siège devant Verneuil et marcha sur Évreux. Il attaqua avec brutalité, si bien que l'infortunée cité tomba une fois de plus et paya la trahison de Jean. Lequel, bien entendu, l'avait déjà quittée pour rejoindre son frère.
    Les semaines suivantes furent une suite de combats et de pillages en Normandie ou dans le Berry. Les deux armées, tout en s'évitant soigneusement, se prenaient et se reprenaient des châteaux, brûlaient des villages, ravageaient des récoltes. Les cotereaux, notamment, ces mercenaires sans foi ni loi dont les deux rois louaient les services à prix d'or, étaient responsables de terribles déprédations. Mercadier côté anglais, Cadoc côté français n'étaient que des bandits montés en grade, les chefs de bandes armées qui volaient, violaient, massacraient autant pour le plaisir que pour l'argent. L'évêque de Beauvais, stimulé par l'atmosphère de guerre, avait lui aussi rassemblé un escadron de gredins en compagnie desquels il semait la mort et la terreur sur les terres Plantagenêt. Il exultait, ayant enfin trouvé une occupation qui lui convenait à merveille. Rarement victimes civiles d'une campagne militaire furent-elles bénies avec autant de cœur une fois mortes.
    Richard, cependant, avait les moyens d'entretenir plus de cotereaux que Philippe. Peu à

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