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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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su vous convaincre, il a fatalement raison, et je n'ai plus qu'à m'incliner.
    Un bref signe de tête lui apprit que telle était bien la réponse attendue, et il respira plus aisément, conscient d'avoir frôlé l'incident.
    — Puisque nul ne doute plus de leur équité, permettez-moi à présent de vous exposer les mesures décidées à l'encontre des maudits Israélites, reprit le parrain du roi. Ils seront arrêtés, jetés en prison et dépouillés de leurs biens, comme ils ont eux-mêmes dépouillé les Égyptiens à leur sortie d’Égypte. Ils auront toutefois le droit de racheter leur liberté et leurs meubles à juste prix.
    La perplexité quitta les conseillers. Les coffres de l'État, nul n'en était plus conscient qu'eux, avaient grand besoin d'être remplis : sous couvert d'une opération hautement morale, on allait donc prendre l'argent où il était. Les paroles suivantes du comte de Flandre chassèrent les derniers doutes.
    — En outre, tous les Chrétiens ayant contracté des dettes envers les Juifs se les verront remises, à la condition d'en verser le cinquième au trésor royal.
    Des sourires se dessinèrent dans l'assemblée, dont certains membres étaient concernés au premier chef par cette mesure. On approuva, on loua la sagesse du souverain – en particulier l'archevêque, chez qui l'amour des Juifs n'était pas le sentiment dominant. Seuls restaient maussades Robert Clément et le comte de Dreux.
    — Il n'empêche que cela va à l'encontre de la politique menée par mon frère, déclara le second. Si l'on m'avait consulté…
    — N'est-ce point vous, monseigneur, qui déclariez tout à l'heure que notre bon sire n'avait pas à consulter quiconque pour la moindre de ses décisions ? coupa Philippe d'Alsace, triomphant.
    Il s'attira un regard noir mais nulle réplique : pris à son propre piège, le vieux Capétien n'eût pu que s'enferrer, et les choses en restèrent là. Le roi, en se levant, signala que le conseil était terminé. Tandis que tous se préparaient à sortir, il arrêta d'un geste de la main Robert Clément.
    — Demeurez, maréchal. Je désire m'entretenir avec vous. (Lorsqu'ils furent seuls, il enchaîna :) Eh bien ? Votre avis ?
    — Mon avis sur quoi, sire ? Sur la réunion qui vient de s'achever ?
    Le précepteur était désormais un homme âgé. Si l'on devinait toujours le chevalier d'exception qu'il avait été, on n'en lisait pas moins sur son visage et dans son corps les ravages de la vieillesse.
    — Entre autres choses, oui, répondit Philippe.
    — Me permettez-vous de vous parler franchement, sire ?
    — C'est cela même que je vous demande.
    — Eh bien, je vous ai trouvé curieusement muet. Sans mentir, on n'entendait ici que monseigneur le comte de Flandre, au point qu'on l'eût dit à la tête du royaume. Je crois fort bon de remettre à leur place les Champenois, qui n'ont que trop dirigé les affaires de la France depuis que votre pauvre père en est incapable, mais prenez garde à ne pas vous donner un autre maître qui serait peut-être encore pire. Un roi doit gouverner avec ses conseillers, non pas les laisser gouverner pour lui.
    — J'entends bien, maréchal, approuva le jeune roi. Rassurez-vous, je n'ai nulle intention de laisser qui que ce soit régner à ma place, pas même l'homme que mon père a désigné pour m'aider dans ma tâche. Toutefois, j'ai le plus grand besoin de lui et dois donc lui laisser quelques prérogatives. Par ailleurs, il est d'un conseil avisé.
    Robert Clément réprima un froncement de sourcils.
    — C'est de lui, je suppose, que vient l'idée d'arrêter les Juifs et de confisquer leurs biens ?
    — Il l'a suggéré, en effet, mais je n'ai pas donné mon accord avant d'avoir consulté le frère Bernard. Je voulais d'ailleurs aussi vous demander votre avis à ce sujet.
    — Non, sire, repartit le chevalier, que son âge et l'affection du roi dispensaient d'être diplomate. Si vous l'aviez voulu, vous l'eussiez fait plus tôt. Mais puisque vous m'interrogez à présent, je vais tout de même vous répondre : je ne mets pas en doute la sincérité de l'ermite de Vincennes, mais je suis persuadé qu'il se laisse emporter par sa ferveur et qu'il est dans l'erreur. Je crois aussi que monseigneur d'Alsace en est conscient, qu'il en profite. Ce que j'ignore, ce que j'aimerais savoir, je l'avoue, c'est si vous, vous ajoutez foi à ces récits de crucifixions de Chrétiens et de profanations d'objets

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