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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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diplomate, l'archevêque de Reims, qui saurait exposer sans raillerie une série de froides revendications et entendre sans courroux l'inévitable réponse. Les exigences étaient toujours les mêmes : la restitution de Gisors ; le mariage d'Adélaïde ; le renouvellement de l'hommage pour les fiefs continentaux, que Richard avait refusé de prêter – sur les conseils de son père, supposait-on.
    L'oncle du roi revint très rapidement, après s'être vu opposer une fin de non-recevoir.
    — Eh bien soit ! déclara Philippe avec un sourire malicieux. Il me vient, pour vider la querelle, une idée qui conviendra au tempérament de notre cher Henri. Une sorte de duel de justice. Que ses quatre meilleurs chevaliers affrontent les miens en un combat loyal : le vainqueur aura Gisors, Adélaïde et la souveraineté absolue sur les terres continentales des Plantagenêts.
    Guillaume aux Blanches Mains blêmit, de même que les autres membres de l'escorte royale, parmi lesquels le comte de Flandre.
    — Mais, sire… balbutia l'archevêque. Ne serait-ce pas trop s'en remettre à la chance ? Si par malheur nos chevaliers étaient vaincus…
    — Ils ne le seront pas. Il va sans dire qu'en tant que suzerain, c'est moi qui choisirai les huit concurrents.
    Le roi nomma quatre chevaliers français célèbres pour leurs prouesses guerrières. Lorsqu'il désigna à leur tour les quatre Anglais, il provoqua un éclat de rire général qui dut résonner jusqu'au camp adverse.
    — Est-ce vraiment là le message que vous m'ordonnez de transmettre ? interrogea son oncle, chez qui l'amusement cédait la place à l'inquiétude.
    — N'ayez crainte, monseigneur : votre habit vous est la plus inviolable des armures.
    Guillaume eut une moue perplexe : Thomas Beckett avait lui aussi été archevêque, et l'on n'en affirmait pas moins qu'Henri l'avait fait assassiner. Que le pape l'eût ensuite canonisé n'était qu'une demi-consolation.
    Le roi d'Angleterre reçut tout d'abord ce message imprévu sans colère : si l'ennemi était assez fou pour confier pareil enjeu à un coup de dés alors qu'il était virtuellement vainqueur, pourquoi ne pas lui donner satisfaction ? Avant d'accepter, toutefois, il demanda à prendre conseil de ses fidèles, si bien que Guillaume aux Blanches Mains se retira sans avoir reçu de réponse et, du même coup, fort soulagé.
    Quelque temps après, ce fût un autre Guillaume qui chevaucha jusqu'au camp français, en proie à une rage froide évidente.
    Guillaume le Maréchal, la quarantaine dépassée, était considéré comme un des plus habiles chevaliers de la Chrétienté. Le cheveu noir, le teint hâlé, il ne possédait nullement la beauté du preux idéal tel qu'on se le représentait, mais il avait gagné le respect de tous, Français et Anglais confondus, par la force de son bras et la justesse de ses avis. Ainsi, cet homme issu d'une lignée sans éclat était-il devenu un des familiers du vieil Henri, après avoir été le principal conseiller du jeune. Bientôt, disait-on, il épouserait la riche pucelle promise par son maître, laquelle lui apporterait un comté.
    Philippe, qui l'estimait à sa juste valeur, s'avança à sa rencontre.
    — Je suis fort aise de vous voir, messire Maréchal, le salua-t-il. Est-ce une visite de courtoisie ou bien m'apportez-vous la réponse du roi ?
    — En l'occurrence, il n'est certes pas question de courtoisie, rétorqua Guillaume sans mettre pied à terre. Notre bon sire Henri repousse votre proposition, qu'il qualifie d'infamante.
    — Vraiment ? fit mine de s'étonner son interlocuteur. À moi, elle paraissait parfaitement équitable, au contraire.
    — Ne raillez pas, sire. Équitable, en vérité ? Opposer quatre de vos jeunes et vaillants chevaliers à messire Fitz-Raoul qui a près de soixante ans, à messire de La Mare que son mal cloue depuis des mois à sa couche, à messire de Villequier qui a la goutte, et à messire d'Argence qui se débat en ce moment contre la fièvre quarte ? Comment voudriez-vous que des vieillards et des malades aient une chance de vaincre vos champions ?
    — Je n'ai jamais dit qu'ils avaient une chance de vaincre, corrigea Philippe. J'ai simplement dit que, parmi les vôtres, ils étaient les meilleurs. (Guillaume s'empourprant, il se hâta d'ajouter :) Exception faite de vous-même, Maréchal, cela va de soi, mais votre vie est trop précieuse pour être risquée dans pareille aventure. Vous savez bien

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