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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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mi-mars.
    Conscient qu'il n'aurait plus, de très longtemps, l'occasion de goûter ces plaisirs simples, Philippe profita d'un des premiers beaux jours pour chasser en compagnie de Renaud et de quelques chevaliers. Son ami, marié depuis peu à Marie de Châtillon, était redevenu aussi proche de lui qu'il l'avait souhaité. Leur complicité enfantine renaissait, intacte, et ils passaient ensemble l'essentiel des loisirs que s'accordait le roi.
    — Sais-tu que la comtesse Ide de Boulogne est veuve ? interrogea brusquement Philippe, ce jour-là, alors qu'ils se restauraient en pleine forêt, seul à seul, après avoir forcé un cerf de bonne taille.
    — En vérité, il faudrait être sourd pour l'ignorer, répondit Renaud avec bonne humeur. Dans les cours d'amour, il n'est question que de ses frasques. Il semble que son veuvage ne lui pèse guère et qu'elle s'en console avec qui lui plaît.
    — Eh bien, si je puis te parler sans détour, il me plairait, à moi, que tu lui plaises…
    Le jeune chevalier ouvrit de grands yeux. Avec sa mine altière, son beau visage, sa chevelure et sa barbe blondes, ses belles manières rehaussées d'un soupçon de brutalité virile, il ne manquait pas d'admiratrices et s'offrait parfois la joie de contenter l'une ou l'autre en l'absence de son époux. Le tour que prenait la conversation, toutefois, le stupéfiait proprement.
    — Quoi ? lança-t-il. Que je devienne son amant ? Philippe secoua la tête, un demi-sourire aux lèvres.
    — Son amant, non. Plus que cela.
    Renaud s'esclaffa.
    — Son mari ? Tu ne cesseras jamais de m'étonner. Tu viens de me marier à ta cousine, et voilà que tu voudrais me voir en épouser une autre !
    — Aimes-tu Marie ? T'aime-t-elle ?
    Il haussa les épaules.
    — Elle est charmante. Nous avons des rapports très courtois, mais il n'est guère question d'amour, non.
    — En ce cas, elle ne protestera pas si je lui trouve un autre parti. Il n'y aura qu'à plaider la non-consommation. Mon oncle prononcera l'annulation.
    — Mais enfin, quelle est cette nouvelle lubie ? s'exclama Renaud. Vas-tu t'expliquer ?
    — C'est fort simple, répondit Philippe. Le comté de Boulogne dépend théoriquement de ma couronne, mais depuis la mort du comte, c'est mon parrain de Flandre qui l'administre, puisqu'il est le tuteur d'Ide. Je sais qu'il envisage de la remarier à Raoul, le fils du comte de Guines, ce qui ne fait pas mon affaire.
    — Tu préférerais qu'elle épouse un de tes fidèles, c'est ça ?
    — On ne peut rien te cacher, admit le roi. Cette perspective te déplairait-elle ?
    Son ami n'eut pas besoin de réfléchir bien longtemps : Marie de Châtillon, petite fille du vieux Robert de Dreux, était de sang royal mais n'avait guère de dot ; le comté de Boulogne, en revanche, était un des plus riches du royaume. Il disposait en outre d'un port de grande capacité, tourné vers l'Angleterre, ce qui n'était sûrement pas étranger à l'intérêt que lui portait Philippe.
    — Mais le comte de Flandre donnera-t-il son accord ? s'interrogea Renaud.
    — Commence par te faire aimer d'Ide. Mon parrain lui porte une grande affection, dit-on. Il n'ira pas contre ses vœux.
    Cette supposition se révélerait fausse. Philippe d'Alsace, flairant la manœuvre, refuserait bel et bien son accord. Cependant, il entreprendrait peu après le voyage outre-mer, laissant à Renaud tout loisir de poursuivre sa cour avec tous les moyens qui lui sembleraient bons. Selon le roi, installer un homme sûr à la tête d'un fief aussi puissant valait bien une petite entorse à la loi.
    Il s'agissait là d'une regrettable erreur d'appréciation, mais il ne s'en aviserait que bien plus tard : ce jour-là, ce fut fort satisfait de la machination qu'il reprit le chemin de Paris.
    Lorsqu'il arriva au palais, à la nuit tombée, la mine basse de tous ceux qu'il croisa lui apprit que quelque catastrophe s'était produite en son absence. Ce fut Adèle qui vint à sa rencontre pour l'en avertir, dissimulant si mal son contentement sous un masque d'affliction qu'il se retint à grand peine de la frapper.
    La reine Isabelle, vers la midi, avait fait une mauvaise chute dans la grand-salle. Sous le choc, presque à terme, elle avait aussitôt été prise des douleurs de l'enfantement et avait donné le jour à des jumeaux. Sa constitution fragile, hélas, n'avait pas supporté l'épreuve : elle avait rendu le dernier soupir juste après l'accouchement, suivie

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