Le Roi de l'hiver
l’attaque sur la lande et, faute d’autre preuve de sa complicité, il
échappa à une sanction plus lourde. Le prince Tristan signifia son accord d’un
hochement de tête.
Restait à
régler l’avenir du roi. Mordred avait vécu dans la maison d’Owain et il fallait
maintenant lui trouver un nouveau foyer. Bedwin avança le nom d’un certain
Nabur, le haut magistrat de Durnovarie. Un autre conseiller protesta
aussitôt : Nabur était chrétien.
Arthur tapa du
poing sur la table pour mettre fin à la dispute avant qu’elle ne s’envenime.
« Nabur est-il ici ? » demanda-t-il.
Un grand homme
se tenait debout au fond de la salle. « C’est moi. » L’homme était
rasé de près et portait une toge romaine. « Nabur ap Lwyd »,
précisa-t-il. C’était un homme jeune au visage étroit et grave, avec des
cheveux en brosse qui lui donnaient l’air d’un évêque ou d’un druide.
« As-tu
des enfants, Nabur ? demanda Arthur.
— Trois
vivants, Seigneur. Deux garçons et une fille. La fille a l’âge de notre
seigneur Mordred.
— Et y
a-t-il un druide ou un barde à Durnovarie ? »
Nabur fit
signe que oui. « Derella le barde, Seigneur. »
Arthur se
tourna vers Bedwin, qui hocha la tête, puis adressa un sourire à Nabur.
« Prendrais-tu soin du roi ?
— Avec
plaisir, Seigneur.
— Tu peux
lui enseigner ta religion, Nabur ap Lwyd, mais seulement en présence de
Derella, et Derella deviendra son tuteur dès que le garçon aura cinq ans. Tu
recevras du trésor une demi-solde et tu devras veiller à ce que le seigneur
Mordred soit protégé à chaque instant par vingt gardes. Le prix de sa vie est
ton âme et les âmes de toute ta famille. Acceptes-tu ? »
Nabur blanchit
en apprenant que sa femme et ses enfants mourraient si Mordred était tué, mais il
acquiesça d’un signe de tête. Ce qui n’avait rien d’étonnant. Être le
protecteur du roi le plaçait au cœur du pouvoir en Dumnonie. « J’accepte,
Seigneur. »
La dernière
affaire du conseil était le sort de Ladwys, épouse et maîtresse de Gundleus,
mais aussi esclave d’Owain. Elle fut introduite dans la salle, où elle se posta
devant Arthur d’un air de défi. « Ce jour, annonça Arthur, je me rends à
Corinium où ton mari est notre prisonnier. Veux-tu venir ?
— Ainsi,
tu peux m’humilier davantage encore ? » demanda Ladwys. Malgré sa
brutalité, Owain n’avait jamais réussi à la briser.
Devant son ton
hostile, Arthur fronça les sourcils. « Tu peux donc le rejoindre, Dame,
fit-il d’une voix douce. L’emprisonnement de ton mari n’est pas rude ; il
possède une maison comme celle-ci – gardée, il est vrai. Mais tu peux
partager sa vie en paix, si tel est ton désir. »
Les yeux de
Ladwys s’embuèrent de larmes. « S’il veut de moi ! J’ai été
souillée. »
Arthur haussa
les épaules. « Je ne puis parler pour Gundleus, j’attends juste ta
décision. Si tu choisis de rester ici, libre à toi. Owain étant mort, tu es
libre. »
Elle semblait
stupéfaite de tant de générosité, mais elle réussit à hocher la tête. « Je
viendrai, Seigneur.
— Bien ! »
Arthur se leva et porta son siège sur le côté, l’invitant courtoisement à
s’asseoir. Puis il se tourna vers l’assemblée des conseillers, des lanciers et
des chefs : « J’ai une chose à dire, juste une, mais il faut que,
vous tous, vous la compreniez et la répétiez à vos hommes, vos familles, vos tribus
et vos septs. Notre roi est Mordred, personne d’autre que Mordred, et c’est à
Mordred que nous devons notre allégeance et nos épées. Dans les années qui
viennent, cependant, le royaume devra affronter des ennemis, comme tous les
royaumes, et il y aura besoin, comme toujours, de décisions fermes. Le jour où
ces décisions seront prises, il y aura des hommes, parmi vous, pour chuchoter
que j’usurpe le pouvoir du roi. Vous serez même tentés de penser que je veux ce
pouvoir pour moi. Alors aujourd’hui, en face de vous, en face de nos amis du
Gwent et du Kernow – à ces mots, Arthur adressa un geste de courtoisie à
Agricola et à Tristan –, permettez-moi d’en prêter le serment sur ce qui
vous est le plus cher : je n’utiliserai le pouvoir que vous me conférez
qu’à une fin, et une fin seulement, et cette fin est de voir Mordred me prendre
ce royaume des mains dès qu’il en aura l’âge. Je le jure. » Il s’arrêta
brusquement.
Il y avait des
remous dans
Weitere Kostenlose Bücher