Le Roman d'Alexandre le Grand
d’avancer derrière Alexandre selon le dispositif oblique qu’il avait
établi. Les Macédoniens avaient désormais couvert plus d’un tiers de la vaste
zone que Darius avait aplanie pour donner le champ libre à ses chars et ses chevaux,
et ils marchaient encore au pas cadencé, au rythme des roulements de tambours.
Le deuxième détachement d’archers
agrianes se jeta sur les auriges, qu’ils décimèrent. D’autres, à cheval,
poursuivirent ceux qui avaient traversé les rangs macédoniens pour les abattre
dans le dos à coups de javelots. Mais déjà, la cavalerie lourde des Scythes et
des Bactriens, aux ordres de Bessos, repoussait les escadrons d’hétairoï,
numériquement inférieurs, et commençait à effectuer une vaste manœuvre
enveloppante vers l’extrémité droite, où avançaient les alliés grecs. Dès
qu’ils virent les cavaliers barbares fondre sur eux à bride abattue, ceux-ci
s’écrièrent :
Alalalàï !
Puis ils resserrèrent les rangs et
leur opposèrent un mur de boucliers et de lances. Dans le vacarme des cris et
des hennissements, Alexandre poussa Bucéphale à une allure moyenne, caracolant
à travers la plaine. À ses côtés, un héraut brandissait l’étendard argéade dont
l’étoile d’or étincelait sous le soleil, déjà haut dans le ciel.
D’autres sonneries de trompette
s’échappèrent de la gauche et une nouvelle avalanche de cavaliers parthes,
hyrcaniens et mèdes se jeta en avant à toute allure pour s’enfoncer entre les
bataillons de Perdiccas et de Méléagre, en tête, et ceux de Simmias et de
Parménion, en queue. Ils étaient conduits par Mazéos ! Ils se glissèrent
dans les rangs de l’infanterie et, pareils à un fleuve en crue, se dirigèrent
vers le camp. Parménion hurla à Cratère : « Arrête-les ! Lance
les Thessaliens ! » Et Cratère lui obéit. Il fit signe à son
trompette d’emboucher son instrument, et l’homme sonna la charge pour les deux
escadrons de cavalerie thessalienne qui avançaient à l’extrême gauche, comme
ultime réserve. Les Thessaliens coupèrent la route à la troupe de Mazéos et
engagèrent contre elle un combat furieux. Parménion leur envoya bien vite un
détachement d’écuyers et d’attaquants pour leur prêter main forte.
« Ils essaient de libérer la
famille royale ! cria-t-il. Ne les laissez pas passer ! »
L’extrémité de l’aile gauche n’était plus qu’un enchevêtrement de fantassins et
de cavaliers, qui se livraient une bataille effroyable et cruelle, où chacun
tentait d’infliger à l’ennemi les blessures les plus dévastatrices en se
disputant le moindre pouce de terrain avec une fureur sauvage.
Alexandre entendit la sonnerie
désespérée des trompettes, mais il ne se retourna pas. Il ordonna au héraut de
lever bien haut l’étendard afin que tout le monde puisse le voir. Puis il
poussa son cri de guerre, si puissant et si aigu qu’il couvrit le vacarme du combat.
Bucéphale piaffa, hennit et, poussé par le hurlements du roi, se jeta dans une
charge furibonde en martelant la terre de ses sabots de bronze, en soufflant
comme une bête sauvage. Et la Pointe vola derrière lui dans un galop
irrésistible. Les cinq escadrons d’hétairoï qui la suivaient s’ouvrirent en
coin vers l’endroit où le centre de l’armée perse se détachait de son aile
droite, engagée dans une manœuvre d’encerclement.
« Allez ! hurlait
Alexandre. Allez ! » Il dégaina son épée et se lança sur le flanc de
la garde des Immortels qui défendait le quadrige impérial. Toute la cavalerie
macédonienne lui emboîta le pas, renversant quiconque tentait de s’interposer.
La vitesse de Bucéphale et sa masse étaient telles que ceux qui le touchaient,
ne fût-ce que de côté, étaient projetés à terre par le choc. Aux ordres du roi,
la Pointe effectua une large conversion avant de se déployer sur un front de
quatre rangs, flanquée des escadrons d’hétairoï, puis elle se précipita comme
une avalanche de fer sur le côté et dans le dos du centre perse.
Pendant ce temps, le camp macédonien
semblait presque perdu : les cavaliers mèdes et cissiens de Mazéos
l’attaquaient en incendiant, détruisant et dévastant tout ce qu’ils trouvaient,
tandis qu’un autre groupe se dirigeait vers les quartiers des femmes. Les
Thessaliens se battaient comme des lions mais, du fait de leur infériorité
numérique, commençaient à lâcher pied sous la poussée des
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